Obscura – Carole Naggar

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« Le pays perdu,

celui que je n’ai jamais connu

mais reconnu pourtant à mon retour,

est un souffle,

un négatif criblé de sable,

un nom murmuré qui traverse

les lèvres serrées de l’exil. »

Avec Obscura, paru chez Atelier de l’agneau éditeur, Carole Naggar chante l’exil et la mémoire, les mondes disparus, oubliés, l’histoire, aussi, de celles et ceux qui les ont traversés et n’en sont pas revenus.

Le recueil ouvre sur un long texte, une prose poétique, s’articulant autour des albums de famille. Les images naissent des images, les souvenirs des souvenirs. L’écriture est précise, photographique (n’oublions pas que Carole Naggar est aussi photographe) et construit une généalogie enfouie dans les exodes, les sables des déserts, la chaleur du Caire. Des ailleurs si nombreux et variés que la mémoire ne suffit pas à la mémoire.

Puis, ce sont des fragments, des jours de marche, des maisons, la Shoah, Venise et les eaux de la Méditerranée changées en « Plomb liquide/griffé de reflets », plus loin encore le Japon. Instantanés poétiques, polaroïds mémoriels, chaque texte renferme son propre univers qui s’insère dans l’univers. Une vie mise en abyme de la Vie.

 Obscura c’est l’éclipse du jour, la mémoire qui s’enfuit ou que nous oublions ; mais c’est aussi la chambre noire, la camera obscura, à travers laquelle les souvenirs restent figés par le papier, le tirage. Les pages du recueil s’emplissent d’un long chant d’amour parce que c’est presque tout ce qui reste maintenant que le temps a fait son œuvre, a effacé les traces et les signes, les symboles et les lieux. Pourtant, cet amour nous est transmis avec ferveur et joie par la poétesse. Rien de tragique ici, juste la nostalgie qui s’égrène, qui s’agite entre les lignes de l’incertain.

Obscura nous interroge, nous questionne par sa construction fragmentaire, photographique. Il n’est pas si fréquent que le texte prenne aussi aisément la place de l’image. Bien souvent, l’un sert de support à l’autre. Pourtant, ici, nous lisons des textes-photos, comme si nous étions conviés dans l’intimité des archives photographiques, comme si l’auteure voulait nous prendre par la main et nous amener en des endroits qu’elle seule connaît.

C’est troublant et par moments très forts.

Parfois, une langueur s’installe, une sorte de quiétude heureuse (Photographies du Japon, Comme une photographie), à d’autres il y a toute la violence de la condition humaine, des passés tragiques (Aucune photographie d’elle, Hors champ). Condensé de ce qu’est vivre…

Il n’y a pas de fin à ce recueil puisque le lecteur y reviendra encore et encore, comme on feuillète un album de famille, comme on revient sans cesse à nos mémoires.

Site de Carole Naggar

Site de Atelier de l’agneau éditeur

18€

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Frédéric MARTIN
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