Red Bloom – Alice Pallot

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©Alice Pallot

Durant le mois de mars, 5ruedu fait le choix de ne publier que des ouvrages de photographes femmes publiées par des éditrices ou des maisons d’édition comprenant au moins une femme à leur tête. Parce que les femmes sont moins visibles que leurs homologues masculins, il est impératif de mettre leurs travaux en avant.

Deuxième ouvrage de la collection Civis Maritimus, chez The Eyes Publishing (Véronique Prugnaud et Vincent Marcilhacy), Red Bloom par Alice Pallot, poursuit l’œuvre qu’elle a entreprise autour des algues vertes (on peut se référer au livre Algues Maudites, a Sea of Tears chez Area Books et au travail fait lors de la Résidence 1+2).

Ici, la photographe suit une double piste puisqu’elle a repris ses images en les teintant d’une lumière rouge rappelant l’infrarouge qui permet la prolifération des algues par photosynthèse, et qu’elle a soumis des tirages à l’altération par les cyanobactéries toxiques dans une boîte de Petri. Les deux créations obtenues sont à la fois un constat, mais aussi une alerte sur une situation de plus en plus dramatique provoquée par l’activité humaine, principalement l’activité agricole, mais aussi par le réchauffement climatique.

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Rouge. Deux mains fantomatiques tendues vers des plantes.

Rouge. Un paysage côtier, le soleil. L’impression d’être sur une planète de SF, Mars dans un film apocalyptique.

Puis des images aux tâches bistres, comme des fleurs maladives, derrière lesquelles on devine des maisons, des îles.

Rouge encore, des rochers, puis des éléments comme des chancres qui rongent l’image. La photographie est dévorée par ces algues qui envahissent tout l’espace. Le ciel fait pleuvoir un soleil brûlant, une lumière qui marque la destruction.

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©Alice Pallot

Présenté sous forme de cahier perforé, Red Bloom a quelque chose d’angoissant dans sa beauté atroce. La photographe prend la position de lanceuse d’alerte ici, à l’instar de ses autres travaux. L’Homme a fait des choix de productivité, a décidé à un moment que son bien-être primait sur la Nature. Or, ces décisions ont maintenant des conséquences aussi directes que dramatiques. D’abord parce que le réchauffement climatique en multipliant la force du rayonnement infrarouge pousse à la prolifération des algues vertes. Les engrais azotés utilisés par l’agriculture intensive, notamment en Bretagne, se déversent dans l’océan ou la mer. La photosynthèse joue à plein et les plages sont régulièrement envahies par ces marées vertes qui provoquent l’asphyxie d’une partie des fonds marins. Mais le drame ne s’arrête pas là, puisque les algues en pourrissant libèrent des toxines qui tuent, l’actualité nous le rappelle.

Le parti-pris artistique d’Alice Pallot de croiser à la fois les images emplies de lumière rouge et les tirages ressemblant à des « charognes » , comme le note Luce Lebart dans sa préface, révèle l’ampleur du problème.

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©Alice Pallot

D’un côté l’activité industrielle, la libération de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, de l’autre la pourriture des algues. Dans les deux cas le rôle prépondérant des humains, leurs choix déraisonnables et l’absence de réaction des politiques, quand il ne s’agit pas tout simplement de passer sous silence le drame qui se noue puisqu’il y a en effet une omerta très forte sur le sujet. Le travail mené ici devient de ce fait primordial.

Pourtant, il ne faut pas nier la beauté terrible que contient ces photographies. Les images rongées, mangées deviennent des mondes étranges et glauques, à la splendeur terrifiantes. Le voile rouge qui occulte les mondes lui donne une profondeur presqu’onirique. Il y a quelque chose du récit d’anticipation dans ce travail. Une forme de dystopie qui nous porterait dans une sorte d’au-delà de l’anthropocène.

Mais cette beauté cache des drames, marque la possibilité de la fin de l’espèce humaine. Même si nous ne sommes pas menacés directement par les algues vertes, du moins si nous ne respirons pas le gaz toxique qu’elles exhalent en pourrissant, les destructions engendrées par elles nous seront certainement fatales à terme. Fin des équilibres de la biomasse, destruction des écosystèmes, toxicité sur la peau… Tant d’épées de Damoclès que nous feignons de ne pas voir ou dont nous nions la dangerosité.

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©Alice Pallot

Red Bloom, la voix d’Alice Pallot, sont essentielles dans le paysage photographique actuel : parce qu’il faut dire ce qui se trame, parce qu’il faut alerter les populations. Il y a urgence et la dimension esthétique, la splendeur morbide des images renforcent le poids d’un discours nécessaire et salvateur.

Site d’Alice Pallot

Site de The Eyes

Alice Pallot et la résidence 1+2

35€

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Frédéric MARTIN
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