
5, Rue du
Chroniques littéraires & photographiques
Chroniques littéraires & photographiques
Nombreux et nombreuses sont les auteurs qui ont essayé de retracer leur vie au sein d’un ouvrage. On trouve de tout, de l’excellent qui forge les premiers souvenirs de lecture au tristement banal et creux. Il faut tout de même reconnaître que l’entreprise a son charme dans tous les cas.
Le dernier homme, écrit par Dominique Mérigard et paru aux éditions La Grange Batelière se situerait plutôt dans la catégorie des très bons livres de mémoires.
« La maison, comme le jardin, sont une source inépuisable de découvertes et de réminiscences. Tout ici me ramène à mon enfance. »
Ici, c’est le numéro 7 du lieu-dit Le Beauséjour sis au sein des méandres de la Creuse tourangelle. C’est en ce lieu que Dominique Mérigard, connu jusqu’à présent pour ses travaux photographiques, passa son enfance et son adolescence. Période campagnarde qu’il cherchera à fuir en partant faire des études en internat, puis en choisissant de vivre à Paris. Pourtant, les retours plus ou moins réguliers vers la maison parentale font naître des souvenirs, des mémoires, des questionnements aussi et ce sont eux que nous délivre l’auteur.
Il y a d’abord des absences. Celle de sa mère décédée alors qu’il n’avait que trois, ans, celle aussi, peut-être encore plus difficile, du père qui tout en étant là ne l’est pas vraiment. En effet, ce sont des voisins, Thérèse et Jean, qui l’élèveront en partie pendant douze ans. Chaque jour, il traversait la route pour se rendre chez eux, chaque soir, il refaisait le chemin en sens inverse pour être avec un père qui avait travaillé toute la journée et ne s’embarrassait pas (par manque d’habitude) de surcroîts d’affection. Parce que c’est d’abord ça le récit de Dominique Mérigard, celui d’une incompréhension. Incompréhension pour le travail et le mode de vie assez rustique du père, incompréhension entre les générations, incompréhension d’une sorte de mur silencieux, de non-dits qui les sépare.
« Je ne sais pas ce que j’attendais, peut-être seulement la confirmation qu’un lien, si ténu soit-il, existait entre nous. »
Le lien existe, mais prend dans Le dernier homme une apparence assez originale et c’est ce qui donne une force au texte. Ce lien, donc, c’est la demeure où Dominique vécu enfant et qu’il a hérité de son père. Cette maison dont on sent qu’elle fait naître en lui une relation ambivalente par la force de ce qui y est attaché : des souvenirs dont la vivacité s’épuise avec le temps, et qu’il tente de ranimer avec des images vernaculaires. Douloureux ou fugace, l’introspection, le voyage à rebours fonctionne par touches précises. Le photographe n’étant jamais loin, les pages offrent par moments des images, détails d’un escalier, d’un rideau, d’un ciel qui permettent au lecteur de s’approprier non pas le lieu, mais plutôt une atmosphère, un quelque chose d’indéfinissable que l’on pourrait appeler l’ambiance.
Le dernier homme est un récit d’ambiance. Ambiance lourde et conflictuelle de l’adolescence, ambiance des étés enfantins plein de soleil et de jeux, ambiance mélancolique de l’homme d’âge mûr qui déambule dans les pièces, y croise quelques fantômes, des moments d’amours, ou d’infinies tristesses.
Faire revivre, au moins par les mots, cette bâtisse, c’est donner matière à ce qu’est une existence, c’est-à-dire une somme d’événements minuscules et primordiaux qui peu à peu font que nous devenons qui nous sommes.
Chaque lecteur, chaque lectrice a en tête des maisons, appartements, bâtiments divers et variés où se jouèrent leurs jeunes années. Tout n’y était pas bon, parfois même certaines histoires sont terribles, cependant l’endroit reste. Or, par la magie des mots, avec son écriture qui ne cherche pas à faire d’esbroufe, Dominique Mérigard nous renvoie à nos réminiscences.
Le livre suit la trace de Pagnol, Vallès ou Colette en ça qu’il revient sur l’avant avec la volonté de la simplicité. Dire ce qui a été, juste ça, se pencher sur de vieilles photographies et y chercher une vérité qui n’en est pas une, mais dont on saura s’accommoder.
La maison un jour sera vendue, léguée. Les souvenirs s’évanouiront parce que c’est leur destin, toutefois, il restera un livre et c’est certainement le plus bel hommage que l’on peut faire à la mémoire.
Site des éditions La Grange Batelière
Format : 145 x 210 mm
Pagination : 176 pages
ISBN : 979-10-97127-48-0
18 €