Another Day Before Death II – Stéphanie Di Domenico

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©Stéphanie Di Domenico

Il y a toujours quelque chose de touchant dans la photographie de Stéphanie Di Domenico. Peut-être parce qu’elle est honnête avec elle, avec les autres, peut-être aussi par sa simplicité, son évidence. Sûrement pour les deux.
Le second volume de Another Day Before Death (publié à 80 exemplaires cette fois-ci) est comme le précédent, un long film de vie. À la croisée des travaux de Nan Goldin et Michael Ackermann, Stéphanie part de ce postulat simple mais existentiel : « À partir du moment où l’on arrive sur Terre, on sait que l’on va mourir un jour. Que peut-on y faire ? ».

Rien.

Tout.

En tout cas, on peut, et c’est l’essentiel, faire deux choses : regarder la beauté des éléments les plus banals et réparer les vivants. C’est la voie que Stéphanie a choisie.

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Des corps, beaucoup de corps. Jeunes, vieux, minces, ronds, abîmés, blessés, cicatrisés… Des corps de femmes surtout. Page après page un univers se déploie. Lentement. Avec cette régularité des peaux qui reviennent, des plis, des bosses, des creux. Chacune est comme elle est, semble nous dire la photographe, peu importe d’ailleurs l’apparence. Ce n’est pas ça qui compte, ce n’est vraiment pas l’essentiel. Soudain, un autoportrait, témoignage-balise sur le chemin de la vie. Puis, le fil se dévide, le temps passe, les images restent.

L’essentiel est partout, partout. Dans les nuages, dans les rides d’une aïeule chérie, sur des routes brumeuses, dans les orteils d’un enfant qui joue. Rien n’est important, pourtant tout compte. Surtout, la beauté n’existe qu’à partir du moment où l’on commence à en prendre conscience. La rondeur d’un sein, un agneau, une femme enceinte, un minuscule bourdon… Tout ici rapproche de l’Absolu de l’existence.

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©Stéphanie Di Domenico

Another Day Before Death, volume 2, est un concentré de vie. D’une vie au service des autres, d’une vie avec ses failles, ses fissures, ses douleurs, et quelques moments de joies extatiques. Stéphanie Di Domenico chronique le maintenant, les lieux, ce qui est.

Et elle le fait d’une si belle manière.

Lire son ouvrage, c’est d’abord plonger dans un long récit d’amour et de respect. Parce qu’elle choisit de redonner à l’Autre ce qui lui appartient : la beauté qui lui est propre, la force, la grandeur. Peu importe qui tu es, peu importe à quoi tu ressembles. Il n’y a ni bien, ni mal dans ce récit d’altérité. Simplement des moments de partage.

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©Stéphanie Di Domenico

C’est peut-être sur ce point qu’il faut s’attarder durant notre lecture. Dans cette époque qui met en avant des corps filiformes aux sexualités exacerbées, dans cette époque où le paraître importe plus que l’être, dans cette époque de mannequins anorexiques, où toute maladie, blessure, souffrance est gommée, oubliée, niée, la photographe prend le contre-pied et nous dit de prendre le temps de regarder.

De regarder les seins mutilés par la maladie, les peaux couturées, le grand âge aussi qui blesse l’âme.
De regarder ces souffrances qu’il faut dépasser et sublimer.
De regarder aussi, les forêts, les enfants, les brumes, toutes ces choses qui sont là à notre portée et que nous oublions.

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©Stéphanie Di Domenico

Si nous devions mourir ce soir ou demain, que garderions-nous en tête ? Les élucubrations stériles de certains médias ? La violence des diktats de la beauté ? La honte des différences ?
Ou bien, pourrions-nous laisser dans notre dernier souffle venir les images de nos proches aimés, d’une personne réconciliée avec elle-même, d’un matin de pluie ?

Il faut lire Stéphanie Di Domenico, accéder à cette photographie d’une sensibilité extrême et se poser enfin les bonnes questions.

La première serait de se demander enfin quel est le vrai sens de nos vies.
La seconde de se questionner sur ce que nous pouvons faire pour accéder aux autres.

Une partie des réponses sont contenues dans Another Day Before Death II.

Les autres sont quelque part en nous.

Site de Stéphanie Di Domenico

29€

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Frédéric MARTIN
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