Fréquence ; – Julie Legrand
Le monde est immense, invisible, serein et mélancolique. Le monde bat au rythme du vent, du souffle et des cœurs de ceux qui vivent, naissent, meurent, aiment, rient et pleurent. Le monde est une Fréquence ;. Avec ce titre énigmatique, pulsatif, Julie Legrand nous amène au cœur de ce qui fait la Vie, dans l’antre des jours, des nuits, avec les rythmes de musiques lancinantes.
Des vagues, des mers et des océans… l’eau de la pluie, celle plus salée versée dans les bains de développement, des pellicules périmées, les heures qu’il faut impérativement retenir. Ça a été. Tout ça. Les cafés dans des abris, le chat pelotonné sur son fauteuil, la route et la pluie qui martèle les vitres, les rues de villes anonymes, des passants aux parapluies, des plages et des arbres en fleur, des soleils, des soleils encore, des amis, des amours, des absents. La nuit insomniaque, « 3h24 et je ne dors toujours pas ». Les angoisses aussi, la perte des êtres chers. La musique, encore, une bande son au gré des pages. Et l’océan sans cesse, les vagues et la lumière qui peint le monde.
Lire Fréquence ; c’est d’abord se confronter au monde. Les photographies de Julie Legrand ne sont pas là pour faire beau, dans une recherche impérativement esthétisante un peu vaine. Au contraire, le choix d’employer des pellicules périmées, de développer avec un pourcentage d’eau de mer donne cet aspect passé, achevé aux choses, aux paysages, aux mouvements. Pourtant, et c’est toute la force de ce travail, chaque instant photographié semble se décupler à l’infini. Tout était là et par la magie opérationnelle de l’image tout reste comme figé pour une éternité. Ou deux.
Parce qu’une vie ne suffit pas à se comprendre, à comprendre le monde qui nous entoure, à mettre à distance ses peurs, à faire le compte de ses joies, il faut trouver autre chose pour englober tout ça. Ici c’est la photographie, la musique aussi (et c’est une excellente idée de faire une liste des morceaux à écouter en lisant l’ouvrage). Julie Legrand met dans Fréquence ; tout ce qu’elle vit. Des espérances, une fragilité face aux événements, l’émerveillement de la beauté, la mélancolie. Le livre ressemble à un immense déroulé d’émotions contradictoires, conflictuelles ou alliées.
Le livre ressemble à ce qu’est vivre.
Il est bien rare que la vie des autres nous passionne réellement. On peut lui accorder de l’intérêt, éprouver de la curiosité très certainement, mais être passionné ? Or, avec ces images nous plongeons au cœur d’une existence qui, si elle n’est pas la nôtre, pourrait s’en rapprocher. Nous avons tous et toutes très certainement marché dans des parcs, le long d’une grève, croisé des inconnus et des soleils d’été. Pourtant, nous n’y prêtons certainement pas autant attention, avec la même acuité, que le fait la photographe. Et c’est ça l’important dans ce livre : cette existence n’est pas la nôtre, mais pourtant elle pourrait l’être.
Il y a une forme d’universalité dans Fréquence ;. Celle de la régularité des vagues, celle des gouttes de pluie, du souffle du vent, de la respiration de nos proches. Et quand on perd cette régularité, quand le monde vacille, que l’angoisse nous saisit il faut quelque chose pour se raccrocher. Des images. Des lumières. Des mots. La musique. Le livre arrive à son terme et le tunnel se remplit de lumière. Il y a eu des désespoirs, des peurs, des crises. Mais, il reste un rythme, celui des mouvements, des corps en marche, celui de nos vies.
Fréquence ; est là, posé à côté d’une tasse de thé et on se prend à penser que Julie Legrand a compris quelque chose de fondamental : tous les instants n’existent qu’une fois et nous perdons trop souvent ce paradigme de vue.
Profitons-en, vivons pleinement. Et même si parfois c’est dur et tragique et désespéré, qu’importe, c’est ça la Vie.
Pour découvrir les univers de Julie Legrand
50€
Couverture rigide
Format A5
Papier photo mat
100% Recyclé Blanc – Pure: 190 gr