Femmes photographes – dix ans de luttes pour sortir de l’ombre – Sylviane Van de Moortele

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Certains ouvrages, s’ils ne sont pas des livres de photographies, sont tout de même essentiels pour comprendre la photographie et son histoire. Celui de Sylviane Van de Moortele, Femmes photographes Dix ans de luttes pour sortir de l’ombre, paru aux éditions Loco, est de ceux-là.

Il retrace sous forme de récit, de la façon la plus objective qui soit, le combat ces dix dernières années que durent mener les femmes pour avoir une visibilité un peu meilleure au sein de la photographie, notamment dans les grands lieux expositions.

Tout débute le 6 avril 2014, sur un blog intitulé Atlantes et Cariatides, un long article signé par un certain Vincent David, interpelle Jean-Luc Monterosso, alors directeur de la MEP, sur le manque criant de femmes exposées en ce lieu. Les données sont chiffrées, quantifiées et vérifiables et soulèvent un double problème : ce déséquilibre a un effet certain sur la carrière des photographes femmes d’une part et d’autre part l’institution fonctionnant avec 80% de fonds venant de la Ville de Paris, donc publics, il devrait y avoir une nécessaire parité.  David Vincent est inconnu du grand public, on suppute, on discute, on débat et surtout on commence à prendre conscience… Mais ce n’est que le tout début du mouvement.

Suivant le parcours de celle qui l’a initié, à savoir la photographe Marie Docher (qui se révèle être Vincent David), Sylviane Van de Moortele retrace les dix années suivantes. Années de combats, de lettres publiques, d’interpellations. Il n’est pas question de tout retracer ici, ce serait faire injure à l’ouvrage, mais force est de constater que l’on part de très loin. Les femmes en plus d’être sous-représentées dans les lieux majeurs d’exposition (Arles, MEP, Jeu de Paume), doivent de plus faire face à de nombreux autres problèmes : perte de visibilité quand elles ont des enfants, sexisme rampant et décomplexé (on lira à ce propos l’étude de la photographe-sociologue Irène Jonas commandée par le collectif La Part Des Femmes en 2020), visibilité encore plus réduite pour les photographes racisées. Bref, le constat est terrifiant et les inégalités plus que criantes. Il n’est pas question de désigner un coupable, de déclencher une nouvelle guerre des sexes comme le dit Marie Docher, mais plutôt de mettre fin, en le rendant visible, à ce système. Les hommes fonctionnent ainsi mais comme le dit Jean-Luc Monterosso « la lettre était bien construite et elle alignait des faits avérés. » ce qui impliquait de changer de paradigme.

Peu à peu, les femmes photographes vont gagner en visibilité, en représentation dans des lieux importants. La parité est presqu’atteinte à Arles, ou ailleurs et le Ministère de la Culture veille au grain.

Si des progrès notables ont été faits en dix ans, il n’en reste pas moins que la situation est très loin d’être parfaite. Ainsi, alors que les femmes sont majoritaires dans les grandes écoles de photographie, elles deviennent rapidement minoritaires une fois dans le monde du travail. Et que dire des photographes racisées qui se heurtent de plein fouet à l’intersectionnalité qui règne.

Ce constat final donne à Femmes photographes Dix ans de luttes pour sortir de l’ombre un poids on ne peut plus important. D’abord parce qu’en retraçant les luttes antérieures il montre à quel point les combats sont nécessaires. On ne peut pas se contenter d’un constat sociologique, de chiffres, de données. Il faut à un moment retrousser ses manches et dénoncer, montrer les déséquilibres et les errements. Mais la lutte est vaine si elle ne s’accompagne pas de propositions visant à changer les faits et les mentalités. Le récit initié par Sylviane Van de Moortele est très juste à ce propos : des personnes comme Marie Docher sont aussi forces de proposition.

Ensuite, il s’avère que dans l’histoire de la photographie, plus largement dans l’histoire de l’Art et même dans l’Histoire, la place des femmes est souvent succincte. L’histoire est écrite par les « vainqueurs » et ici les « vainqueurs » ce sont les hommes malheureusement. Or, l’ouvrage ouvre aussi des perspectives non pas sur une réécriture de l’histoire de l’art, mais plutôt sur une écriture plus juste et plus sincère où les femmes auront la place qui leur revient. Il est important de lire Femmes photographes Dix ans de luttes pour sortir de l’ombre et ça peut-être encore plus pour les hommes.

Beaucoup d’entre eux n’ont peut-être pas conscience de la place qui est la leur, des atouts qu’ils ont, des avantages dont ils bénéficient.

Beaucoup d’entre eux seront peut-être consternés de le voir.

Beaucoup d’entre-deux changeront certainement de manière d’opérer à l’avenir.

Finalement, Sylviane Van de Moortele nous offre avec ce livre un message d’espoir, et c’est l’essentiel.

Atalantes et Cariatides

A propos de Sylviane Van de Moortele

A propos du collectif La Part des Femmes

Site des Éditions Loco

15€

 

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Frédéric MARTIN
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