Plumes – Julien Magre
Avec Plumes, paru aux éditions Filigranes, Julien Magre nous entraîne dans un monde étrange et paradoxal. Des plumes comme des univers fragiles et chamarrés, des détails de plumes en fait, des parts d’un ailleurs ignoré et révélé. Le processus créatif est ici une expérience dans l’expérience. Les plumes sont enchâssées directement dans le passe-vue de l’agrandisseur par le tireur de Julien, Fred Jourda. Ainsi il n’existe plus de frontière entre la matière et l’image de celle-ci. Tout tient en quelques rémiges, quelques barbes.
Mais peu à peu viennent d’autres images. Une cage, les détails d’une cage. Une main d’enfant tenant une plume et nous sortons de cet inframonde pour aller vers des espaces plus vastes. Le voyage n’est pas linéaire, il se construit d’aller-retour.
Plumes est un travail étrange, complexe et pour tout dire déconcertant à la première lecture. Le regard avance au gré des couleurs vives, des morceaux de plumes. Puis lorsque le livre s’ouvre vers l’extérieur nous nous heurtons à cette cage venue là comme pour enfermer la plume, lui ôter la liberté intrinsèque qu’elle contient. Mais voilà que cette liberté se retrouve par la magie de cette main d’enfant qui libère. Totem minuscule, lieu de recueillement, la plume préside à un renouveau.
C’est alors, à la fin de l’ouvrage, que les choses prennent du sens. Et si ces plumes n’étaient au fond que la métaphore de nos conditions humaines ? Chaque détail de chacune d’entre-elles, sous le regard de Julien Magre, est aussi le détail de chacune de nos existences. Nous sommes multiples, chamarrés, différents comme elles qui, déconnectées de leur oiseau, deviennent des entités autonomes. Mais hélas nos existences, aussi, sont contraintes. Parfois de manière drastique (on peut songer aux confinements successifs) mais aussi de façons plus subtiles puisque les contingences du quotidien, la routine et tant d’autres choses closent nos existences.
Qu’à cela ne tienne, semble dire le photographe, soyons les créateurs de nos libertés, les chantres de nos évasions. Retrouvons quelque chose de l’enfance, du rire, et tâchons de faire voler ces plumes sans le recours à autre chose qu’à la magie.
Parce que c’est de magie qu’il s’agit ici. Une magie toute personnelle, intime et chamanique. Notre monde, mais surtout nos âmes et nos cœurs contiennent en eux la puissance nécessaire à notre propre libération.
Par la joie.
Par la poésie.
Par le rêve.
Par le voyage.
Il faut se laisser voler, aller au cœur du cœur de la matière et faire fi des cages qui nous enserrent.
Il faut s’esclaffer et mettre des couleurs, des lumières.
Il faut vivre.
Une main, une paume et sur elle une plume rouge vif, éclatante. Comme un cœur fantaisie plein de vie et de gaieté. Voilà, semble nous dire le photographe, ce qui tient nos existences. Plumes prend alors tout son sens, toute sa subtilité. C’est un livre non seulement très beau, mais nécessaire. Un livre porteur d’espoir, ce qui à notre époque n’est pas une mince affaire.
Remercions donc chaleureusement Julien Magre (et Fred Jourda) d’avoir menés ce travail, d’avoir mis un instant de la douceur dans les existences. Et quand nous verrons une plume lors d’une promenade, n’oublions jamais qu’elle est un monde en tant que tel.
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30€
Couture Singer apparente
50 photographies en couleurs
72 pages
ISBN : 978-2-35046-600-2