Eternal U – Hubert Humka
Avec Eternal U, paru aux éditions Blow Up Press, Hubert Humka nous offre une longue et belle réflexion autour du devenir du corps post-mortem. Le photographe a parcouru des cimetières verts, lieux où les dépouilles sont enterrées sans pierres tombales, sans symboles religieux, dans des contenants biodégradables, et où un arbre de notre choix est planté ensuite. Cet ouvrage fait suite au livre Death Landscapes (même éditeur) et à la série Evil Man, et clôt un cycle dans lequel le photographe s’interroge sur la mort.
La mise en page d’Aneta Kowalczyk est toujours aussi soignée, avec notamment les textes embossés qui laissent une impression presque rugueuse d’écorce ; le contenant fait la part belle a des papiers recyclés, épais, où nous trouvons par moments une texture comme celle des feuilles d’arbre.
Des futaies immenses, des taillis, puis des écorces. Au sol des feuilles, l’odeur de l’humus.
D’autres futaies, d’autres racines, d’autres écorces, des arbres, encore des arbres, comme les témoins d’un temps éternel. Le promeneur déambule, fouille du regard, s’arrête, repart, le temps est immémorial, figé et cyclique.
Puis de arbres, des feuilles, encore des taillis, des futaies.
Le sujet d’Eternal U n’est pas l’arbre en tant que tel. Hubert Humka ne fait pas une recension des espèces vivants dans ces cimetières verts. C’est plutôt l’idée de l’arbre comme témoin d’une vie qui ne cessant jamais vraiment se poursuit après la mort. Le corps humain se désagrège, poussière il redevient poussière, mais poussière nourricière qui des racines aux cimes transmet l’énergie vitale et nécessaire à la croissance, à l’arrivée du feuillage, au bourgeonnement.
Nos vies seraient-elles cela ? Un vaste mouvement cyclique sans fin et sans interruptions où le vivant se donne au vivant ?
A bien y regarder c’est d’une évidence telle que nous l’oublions et nous n’y faisons plus attention. Pourtant, comme l’a dit Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Et la vérité est que nos corps, que nous jugeons si précieux, parfois de manière exagérée, vont eux aussi participer à ce vaste mouvement. On se transforme, on devient une part de cette écorce, de cette sève, de ces racines. Nous ne sommes pas la forêt, pas plus que la forêt n’est nous, mais nous sommes réunis malgré tout.
Les forêts d’Hubert Humka sont métaphoriques, et là où nous pourrions voir juste un grand cimetière, lui nous amène dans un labyrinthe inextricable où la vie jaillit à chaque instant. Dans un texte accompagnant les photographies (rédigé en anglais et en français), il écrit : « Je suis désormais comme la pierre, l’arbre, la mousse. » Quelle belle idée ! Devenir autre chose après la mort, ne pas disparaître simplement, mais dorénavant vivre autrement. L’idée de la réincarnation appliquée de façon pratique.
Tout ceci, ces sépultures vertes, n’est pas une volonté d’éternité, semble-t-il, du moins pas une volonté de laisser une trace indélébile et ineffaçable. Au contraire, il s’agirait peut-être plutôt de donner au vivant une part de soi pour qu’il se perpétue, une forme de remerciement pour tout ce qu’il a pu nous offrir durant notre existence. La Vie est multiple, précieuse et il y a quelque chose de plus vaste que nous simples humains dont nous ne sommes qu’une part minuscule et infime. Dès lors autant accepter notre finitude et se rendre disponible par la suite.
Eternal U est un livre plein d’espoirs. Certes, la mort en est le sujet, mais le choix opéré par Hubert Humka de photographier ces cimetières verts, la réflexion induite par ces images donne à nos disparitions futures quelque chose de joyeux, de vivant.
Devenir un arbre, nourrir ses racines, participer à sa croissance : quelles belles idées ! Cessons donc de peupler des cimetières de marbre et de granit, cessons ces caisses de bois vernis, cessons d’être terrifiés. Demain des oiseux viendront chanter sur nos branches.
Pour suivre le travail d’Hubert Humka
Les très beaux livres de Blow Up Press
70€
Cover: soft (Ecoline Grey 290g)
Papers: Ecoline Grey 140g & Fedrigoni Materica Verdigris 120g
Format: 235×320 mm
Number of pages: 92
Number of photographs: 65
Language version: English & French