Alex – Pascal Rivière
Avec Alex, paru aux éditions Photopaper, le photographe Pascal Rivière nous offre un journal, la chronique d’une transition. Né dans un corps biologiquement féminin, Alex ne s’est jamais senti femme pour autant. Cette transition participe donc d’un processus normal pour être réellement à soi. Au fil des pages, à travers un travail en écho, le lecteur croisera des portraits d’Alex, de son entourage, réalisés par Pascal Rivière, mais aussi des captures d’écran des stories du compte Instagram du jeune homme qui lui servent de notes sur sa vie quotidienne, sur le processus de changement. Par ailleurs, trouvaille ingénieuse, des QR codes permettent de retrouver un compte Spotify sur lequel sont stockés les musiques qu’écoutaient Alex durant la période.
Photos de plage, une fillette avec une casquette, ces mots : « D’aussi loin que je me souvienne je me suis toujours cherché… » Puis un portrait saisissant : lui de dos, tatouage Yin-yang dan la nuque, elle de dos, plus loin. Ils sont jeunes l’avenir leur appartient. Et c’est résolument lui qu’ils contemplent. Sauf que l’avenir c’est un mur pour le moment. Une vaste inconnue qu’il va falloir résoudre. Story Insta, ces mots : « Mon Date (comprendre mon rendez-vous amoureux) ». Une boîte de médicament. De la testostérone.
Un escalier, des murs, l’espoir ?
Le même, torsoplastie achevée, fine moustache, tatouage : le love symbol de Prince. On dirait presque un bandit sud-américain de série TV. Mais un bandit aux yeux rieurs, au léger sourire. Story insta : « Il n’y a pas de « transactivisme ». Il y a juste des personnes transidentitaires qui veulent que leur existence soit reconnue. »
Portraits : il se muscle, il déconne avec des amis, il est amoureux.
Il. Alex. Qui ne revendique rien. Qui a juste envie d’être vraiment lui, rien d’autre.
Alex est un ouvrage résolument moderne. En effet, notre société évoluant sans cesse, il paraît assez évident que les questions d’identité de genre, de transidentité, émergent dans le questionnement des photographes auteurs. En décidant de garder une forme de neutralité esthétique, en décidant aussi d’inclure le contenu des réseaux sociaux d’Alex, le photographe fait un choix tout à la fois délicat où il se pose en simple témoin, mais aussi politique.
Des noir et blanc légers, aux tons de gris délicats, une distance au sujet toujours juste, les images de Pascal Rivière sont empreintes de poésie, d’une forme de tendresse. A travers elle, le lecteur suit un parcours qui semble semé d’embûches (administratives notamment, mais aussi médicales) mais dans lequel le doute n’apparaît jamais ; où la joie, une joie simple mais éclatante celle de pouvoir être soi, transparaît à chaque page. Il y a tout ce qui fait le bonheur : l’amour, les amis, les jeux. C’est l’adolescence qui s’achève, ce sont les débuts de l’âge adulte fourmillant d’espoirs. La musique est là qui accompagne les photographies, qui accompagne la vie. Les selfies, les mots sur Instagram. Il n’y a rien ici de militant de la part d’Alex. Il veut être lui, rien d’autre. Un « lui » où son cœur, son corps et son âme sont en harmonie et en paix. Ce qui est intéressant dans ce propos c’est que dans nos sociétés où l’on brandit la liberté comme une sorte de drapeau permanent, celle-ci ici est justement celle de ne pas servir d’étendard.
Alex ne fait pas de politique, il fait de la musique, il veut être homme dans un corps d’homme. Point.
Et c’est toute la force du travail de Pascal Rivière qui nous fait prendre conscience à travers ses photographies, à travers son livre, que ce que certaines franges politiques dénoncent comme un drame, la fin de notre civilisation, une catastrophe, n’est rien d’autre que la liberté d’être qui l’on veut être. C’est-à-dire la définition la plus simple et la plus pure de la liberté. Chacun fait ce qu’il veut, détermine ses propres choix, sa propre vie, ça tant qu’il n’empiète pas sur la vie d’autrui. Or, que fait Alex si ce n’est être lui-même ?
C’est ici que se construit le futur de notre monde : dans cette possibilité pour tous de faire des choix qui n’ont pas vocation à être discutés puisque de toute façon ils sont indiscutables. Le respect n’est pas un mot, c’est un acte. Respectons les décisions, respectons l’Autre. C’est très certainement la grande leçon à tirer de cet ouvrage. Comme le dit Nicki Minaj dan une des chansons qui composent la track-list du livre : « Feelin’ myself, I’m feelin’ myself, I’m feelin’ my ».
Tout est dit.
Pour suivre le travail de Pascal Rivière
32€