La maison sans toit – Laure Samama/Hélène Gestern

La maison sans toit, Laure Samama, Hélène Gestern, Mexique, Chalmita, éditions Light Motiv, mémoire, enquête, abandon, texte, photo,
©Laure Samama

La maison sans toit, photographies de Laure Samama et texte d’Hélène Gestern, est le second volume de la collection Singulières que publie la maison d’édition nordiste Light Motiv. Rappelons que le principe de cette collection est l’association d’une écrivaine et d’une photographe au sein d’un même ouvrage.
Ici, Laure Samama a photographié une maison subitement abandonnée par ses habitants à Chalmita au Mexique, d’abord en 2015 à six mois d’intervalle, puis lors d’un troisième voyage en 2017. Ensuite, elle a proposé à Hélène Gestern d’écrire à propos de ce corpus photographique.

Il en ressort un livre à tiroirs, à enquêtes, aux indices fragmentaires et incertains où cette maison devient le protagoniste d’une histoire complexe et inquiète.

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©Hélène Gestern

Un mur blanchi à la chaux. Sur celui-ci un portrait photographique : ils sont deux, une femme et un homme, dans de beaux habits. On ne sait s’ils se rendaient à un mariage, un baptême, une fête… En dessous, une statuette représentant une femme priant.

« La maison sans toit est le territoire d’un autre conflit […] » 1.

Un lit vide dans la lumière blanche, des débris à sa droite, où sont-ils ceux qui l’occupaient ?
Les mêmes murs après la saison des pluies, des coulures marrons, le temps est passé par là, la pluie, les. « Ce que j’ai aimé dans ces photographies c’est leur pudeur. »
Plus tard des murs érodés, brinquebalants, la nature qui gagne, qui gagnera toujours, des herbes sèches, le vert des feuilles, nous sommes sous les tropiques.
Des vestiges ici et là, des Christ, des journaux, des petits verres pour les bougies, une infinité de détails qui font une vie, et qui pourtant semblent morts.

« La liste des choses est interminable. »

La maison sans toit, Laure Samama, Hélène Gestern, Mexique, Chalmita, éditions Light Motiv, mémoire, enquête, abandon, texte, photo,
©Laure Samama

La maison sans toit ne se livre pas avec facilité, ce n’est pas un de ces lieux urbex à la mode aux images clinquantes et sempiternelles. Non. C’est un lieu qui se prête à l’enquête et c’est finalement le double travail auquel se livrent Laure Samama et Hélène Gestren.  La seconde choisit après la proposition de la première de se livrer à une fouille minutieuse des images. Que nous disent-elles ? Que peut-on en déduire, en imaginer, quelles vies créer à partir de quelques photographies qui sont exemptes de trop d’indices ?

Là est tout le propos de l’écrivaine.

Mais il ne saurait exister sans le travail photographique initial. La photographie de Laure Samama ne s’embarrasse pas de fioritures, d’ornements : directe, elle livre une sorte d’état des lieux aussi bien physique que mental (on pourra à ce propos relire Je danse seule et Ce qu’on appelle aimer ses deux précédents opus). La maison est une énigme que la photographie ne peut résoudre, mais il est cependant possible de documenter cette énigme, de la questionner. Les cadrages sont frontaux, serrés et s’attardent sur ces détails qui font une existence : un angelot de plâtre, un fil électrique, des babioles. Évitant soigneusement la « beauté du chaos » qui semble servir de faire-valoir à une grande majorité des photos de ruines, Laure Samama saisit ce qui l’entoure, minutieusement, comme pour témoigner de ce qui fût. Les marques du temps oblitèrent l’œuvre humaine, il convient donc de garder une trace de ce passage.

La maison sans toit, Laure Samama, Hélène Gestern, Mexique, Chalmita, éditions Light Motiv, mémoire, enquête, abandon, texte, photo,
©Laure Samama

Or, Hélène Gestern en choisissant d’enquêter sur cette maison, sur les possibles de celle-ci, ouvre la porte non à une interprétation, mais à une lecture multiple du lieu. Il y avait des habitants, ils sont partis précipitamment, pourquoi ? Comment ? Pour où ? Que fuyaient-ils, alors que la maison semble accumuler des traces de violence. Les questions restent sans réponses (jusqu’à ce que Laure Samama lui ait raconté la véritable histoire de la maison sans toit) et les supputations permettent au lecteur de s’interroger sur les possibilités.

La maison sans toit, Laure Samama, Hélène Gestern, Mexique, Chalmita, éditions Light Motiv, mémoire, enquête, abandon, texte, photo,
©Laure Samama

La maison sans toit, le texte d’Hélène Gestern, amènent aussi à une autre forme d’interrogation. D’une part pourquoi l’être humain a-t-il cette fascination pour les lieux à l’abandon ? Au-delà de l’aspect historico-architectural, qui est absent ici, qu’est-ce que ces lieux représentent pour nous ? Notre finitude ? La possibilité de la perte qui menace tout le monde ? Questions auxquelles il serait vain de répondre. D’autre part, que reste-t-il de nous une fois que nous ne sommes plus là ? C’est peut-être la question primordiale que soulèvent ces travaux conjoints. L’enquête d’Hélène Gestern, le choix photographique entre neutralité et délicatesse opéré par Laure Samama, invitent les lecteurs à se questionner en ce sens.

Là encore, il n’y a pas de réponses.

« […] cette collection de photographies, c’est aussi un pan de temps humain arraché à l’oubli […] »

Le lecteur ne s’y trompera pas en évitant à La maison sans toit un second oubli.

1 : Toutes les citations sont extraites du texte d’Hélène Gestern

Pour parcourir le travail de Laure Samama

Le site des éditions Light Motiv/commander le livre

26€

  • Format : 14,5 x 21 cm / Poids : 0,500gr
  • 128 pages – 45 photographies et texte de 72 000 signes
  • Tirage de 1500 exemplaires
  • Couverture imprimée sur ColorPlan Natural 270gr
  • Photographies (quadrichromie et noir et blanc) et textes sur Munken Polar Rough 120gr
  • Livre broché avec gardes
  • ISBN : 9791095118268
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Frédéric MARTIN
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