Un sourire de Case-Pilote – Marie Mons
©Marie Mons |
Une jungle exubérante, étouffante et une Vierge qui émerge, silhouette solitaire et fragile au milieu des nuances de vert infinies. La jungle encore, les lianes, une femme nue allongée sur un arbre, presque perdue elle-aussi.
La même femme en robe créole, puis le carnaval, des masques grimaçants, la nuit.
Deux cartes postales, quelques mots de Paul, ce grand-père qui eut de nombreux enfants, de nombreuses femmes. Qui fût le père de la mère de Marie qu’il ne reconnut pas.
Cette question, à la réponse impossible : « Qui était Paul ? »
Des bâtiments abandonnés, un monument aux morts, hommage aux Poilus martiniquais qui allèrent défendre le pays en guerre. C’est aussi la France ici.
Le vert de la forêt, l’enfant est né, une statue décapitée, des lianes encore, cette sensation de touffeur moite, la finitude d’une île, Marie flottant dans l’eau, Ophélie aux yeux clos…
©Les Éditions de Juillet |
Un sourire de Case-Pilote est un livre de recherches et de possibles ; un livre où l’autrice, en partant à la découverte de cet homme insaisissable pour elle que fût son grand-père, part aussi en quête d’elle, du legs qu’elle devra laisser à son enfant.
Parce qu’il est question ici de racines, et de racines multiples, embrouillées, fuyantes et aussi impénétrables que cette jungle qui couvre une partie de l’île.
Que laisse-t-on à nos enfants, quelles mémoires, quels héritages ? Il y a bien évidemment des biens matériels, des lettres, un vêtement, des bibelots. Il y a les souvenirs des moments partagés avec eux. Mais il y a aussi ces legs invisibles ou plus difficiles à saisir.
Ce peut-être une origine, ce peut-être la mémoire d’un aïeul, d’autres choses aussi ténues que complexes.
©Marie Mons |
Or, les legs de Marie Mons sont multiples Une partie de ses racines plonge sur l’île de la Martinique, mais elle doit faire le chemin à rebours, s’imprégner non seulement des lieux mais aussi des coutumes ou traditions qu’elle ne connaît pas particulièrement pour en appréhender la profondeur
Peut-on transmettre quelque chose qui ne nous appartient pas en propre, mais qui pourtant fait partie de nous ?
Vaste question, aux réponses aussi incertaines que nombreuses.
L’autre part de Marie c’est l’héritage biologique. Ce Paul, grand-père aussi rare qu’inconnu, dont il ne reste que bien peu de choses. La réalité de son existence est attestée par une sépulture, mais en dehors de ça, quoi ? Il est le père d’une fille qu’il ne reconnaîtra pas (au même titre que trois autres de ses enfants), il écrivait des cartes postales et sa réputation ne semble guère fameuse.
Rien de plus, rien de moins.
©Les Éditions de Juillet |
Finalement, la réalité des photographies de Marie Mons dans Un sourire de Case-Pilote est la réalité de sa recherche. Cette végétation dense, impénétrable c’est aussi ces autoportraits où la future mère semble s’interroger autant sur le passé que sur l’avenir.
Et que reste-t-il à la fin ? Pas de réponses, ou plutôt des réponses sans romantisme. Ainsi, l’abandon est ici un fait que l’on ne souhaite pas évoquer mais qui existe fréquemment.
Pourtant, il reste quelque chose de fondamental quand on lit le livre de Marie. Cette impression que, si la quête de Paul fût presque vaine, ou du moins incomplète, la photographe a construit quelque chose d’elle, dans cette transmission tri-générationnelle où elle pose en compagnie de sa mère et de sa fille.
Marie Mons a suivi un fantôme, un homme difficile à cerner et qui cherchait peut-être à ne pas l’être, mais elle paraît aussi toucher à un essentiel personnel. Se sera-t-elle trouvée, aura-t-elle trouvé aussi une sorte de chemin de parentalité en suivant cette voie ?
Elle seule le sait. Mais lire Un sourire de Case-Pilote c’est aussi parcourir celle-ci et entreprendre un voyage magnifique, intime et bouleversant.
39€
96 pages + inserts – ± 60 photographies
Couverture cartonnée – Format : 185 x 245 mm
ISBN : 978-2-36510-114-1