Staccato – Maëva Benaiche

 

Staccato Maeva Benaiche éditions LightMotiv
©Maëva Benaiche

 

Paru aux éditions Light Motiv (Laurène Becquart, Eric Le Brun), Staccato de la photographe Maëva Benaiche est un petit livre évoquant le bégaiement de l’autrice.

Introduit par un très beau texte de Caroline Bénichou, Staccato nous emmène dans un territoire de mots heurtés, d’échos et d’identités multiples.

 

 

bègue bégaiement

 

 

Des nuages joufflus, gonflés de pluie à intervalles réguliers, puis l’eau celle des rivières, des mers, celle des gouttes sur la peau, celle qui glisse, celle qui stagne comme des mots qui peinent à être prononcés…

Des portraits, une femme, en fragments, parfois juste un œil barré d’une croix lumineuse, parfois une chevelure agitée…

Une main pend hors du lit, l’orage approche, encore, mais il ne perce pas.

Les mots se bousculent dans la gorge, le staccato de ces phrases répétées cent fois, dîtes avoir d’avoir été entendues.

Et la peur de la moquerie, des phrases imbéciles…

 

Staccato Maeva Benaiche éditions LightMotiv
©Maëva Benaiche

 

Evoquer le bégaiement, son bégaiement, par un livre photographique est une tâche non seulement ardue mais aussi courageuse. En effet, comment représenter les souffrances inhérentes à celui-ci (et nous verrons qu’elles sont nombreuses), mais aussi les pensées, la façon de vivre, d’être qu’il génère ?

Maëva Benaiche fait le choix très juste de d’aborder celui-ci par la constitution d’images comme des notes de musique détachées l’une de l’autre qui finissent par former un morceau. Et ce morceau, cette partition c’est sa vie.

En effet, être bègue c’est être confronté à diverses souffrances, divers choix.

Il y a le maelstrom des mots qui se bousculent dans la tête, ces pensées qui ne cessent et dont la traduction verbale se heurte à diverses difficultés.  Le regard de l’autre, cette infantilisation qu’il ne peut s’empêcher de faire, les phrases moqueuses et critiques et la peur bien entendu lors de la prochaine intervention.

« Imaginez qu’à chaque fois que vous ouvrez la bouche pour vous exprimer, votre cœur tambourine, votre gorge se serre par peur de l’image que vous allez renvoyer à votre interlocuteur, par peur de sa réaction. » écrit Maëva Benaiche.

Il est évident dès lors que vivre, parler devient une sorte de sport de combat.

 

bégaiement bègue honte difficulté
©Maëva Benaiche

 

Combat contre les moqueries, combat contre sa peur aussi. Alors que faire ? Ecrire et surtout photographier. Choisir soigneusement la tournure de ses phrases et choisir des images aussi frappantes que précises. Les photographies proposées dans Staccato sont une merveille d’éditing, un de ceux qu’il faut montrer à qui veut comprendre cet art. Parce que les choix opérés par la photographe dévoilent tout autant la difficulté à s’exprimer, ces moments flous, brouillons où tout semble presque s’effondrer, que la fragilité que le bégaiement impose à celui qui le vit.

Le choix des autoportraits ramène à la concrétude de celle-ci : le bégaiement n’est pas ici un mot, quelque chose que l’on moque bêtement dans une cour d’école, que l’on singe péniblement dans un jeu télévisé. Non. C’est une vie, c’est une personne et ses doutes, sa difficulté à se faire entendre, comprendre, accepter.

 

Staccato Maeva Benaiche éditions LightMotiv
©Maëva Benaiche

 

Notre époque est bavarde. Très bavarde. Certainement trop. Et notre époque ne sait pas prendre le temps d’écouter l’autre, d’entendre ce qu’il peut avoir à nous dire et ça même s’il le dit mal ou avec difficultés.

Staccato nous invite à reconsidérer cet état de fait. Il faut apprendre à se taire et à prendre en considération l’Autre dans ce qu’il est. Il faut apprendre à lui laisser le temps de dire, d’être, de vivre. Le temps passe et l’eau coule, mais les blessures demeurent. Les mots sont parfois si difficiles… La peur est là à chaque instant du dialogue et on presse celui qui parle. A la rigueur puisqu’il ne sait pas parler, laissons-le avec sa honte, coupons lui la parole et moquons le.

Quel tragique mépris !

Alors qu’il y a environ 600 000 bègues en France, que l’actuel président américain en a longtemps souffert, les photographies de Maëva Benaiche, la sensibilité qui les porte, leur justesse, invitent le lecteur à changer sa façon d’appréhender l’usage de la parole.

Non parler n’est pas si facile et non écouter n’est pas inné. Il faut prendre le temps de l’un et de l’autre.

Staccato nous livre une très belle leçon d’humanité, d’altruisme. Espérons que les voix de Maëva Benaiche sauront être entendues à l’avenir.

Pour suivre Maëva Benaiche

 
 
35€

 

Format : 16,8 x 22,2 cm / Poids : 0,5 kg

88 pages – 44 photographies

Tirage de 700 exemplaires

Jaquette imprimée recto-verso sur ColorPlan New Blue 170gr

Photographies (bichromie) et textes sur Munken Lynx Rough
120gr + 8p de cahier avant/arrière sur Munken Lynx Rough 170gr

Livre broché avec dos cousu, fil gris, collé

ISBN : 9791095118251

 

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Frédéric MARTIN
Frédéric MARTIN

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