Hard Time For Everyone – Fred Goyeau

 

Hard Time For Everyone Fred Goyeau Bergger éditions
©Fred Goyeau

 

Hard Time For Everyone (les temps sont durs pour tout le monde) de Fred Goyeau est le premier opus de la nouvelle collection, Les carrés cousus, proposée par Bergger Éditions.

Le photographe et tireur plonge dans son quotidien, ses archives suite au décès de sa mère dans ce qui pourrait être une forme de road trip au cœur de la tristesse et du mal-être. Pourtant, il s’agit aussi d’un écho, d’une forme de lettre photographique adressée à tous ceux et celles qui connaissent les affres de la perte.

Hard Time For Everyone Fred Goyeau Bergger éditions

 

Deux ombres se tiennent la main, l’une n’est plus peut-être. Ca c’est passé un 25 mars, un jour comme un autre pour quelques milliards d’êtres humains, un jour de tristesse et de deuil pour quelques milliers d’autres.
A commencer par Fred Goyeau.
« Aujourd’hui maman est morte… » écrivait Camus, et si Meursault n’a qu’une idée incertaine de la date du décès, le photographe lui la connaît par cœur.
Alors, il y a des escaliers de béton et des lumières incertaines qui laissent des souvenirs. Une route s’étire à l’infini sous un soleil de plomb. Rien ne bouge plus vraiment, sauf les accords lancinants sur une vieille guitare blues.
Lightin’ Hopkins et Robert Johnson ne sont pas très loin.
Puis ce sont des rails qui se séparent, des pas dans la neige, des chevaux et quelques humains de dos ; une lenteur mélancolique, le bruit des regrets, le silence de la perte.
Plus rien ne bouge vraiment, mais tout n’est pas mort.
Hard Time For Everyone Fred Goyeau Bergger éditions
©Fred Goyeau

 

Hard Time For Everyone n’est pas un livre de tristesse, pas un ouvrage de désespoir. Bien sûr, il y a au fil images ce sentiment de perte irrémédiable, celui que tout à chacun éprouve ou éprouvera au moins une fois dans sa vie. Vivre c’est commencer à mourir, vivre c’est accepter la perte et Fred Goyeau nous fait de petits signes visuels pour nous le rappeler.
Il n’y a donc ici pas de lamento, mais la possibilité de ressentir ce quelque chose d’indicible relatif à l’absence.
Que ce soit un chagrin amoureux, le décès d’un proche ou d’un ami, partout, tous les jours, nous avons cette sensation qu’il ou elle est là, encore vivant.
Mais comment l’exprimer ce chagrin ?
souvenir road trip
©Fred Goyeau

 

Il est facile pour certains, certaines, de dire ce qui ne va pas, cette douleur qui ronge les jours et les nuits. Pour d’autres c’est bien plus compliqué.
Le photographe choisit la grammaire de l’image, sa polysémie et son universalité pour nous raconter, avec des photographies prises avant le décès, ce qui se joue à l’intérieur, pour dire ses douleurs.
Peu importe, finalement, le lieu, les personnes photographiées, peu importe la date. L’intemporalité de Hard time For Everyone ramène à une universalité du propos.
Fred Goyeau se fait, avec une grande discrétion et une belle sensibilité, le porte-parole de celles et ceux qui ont le blues accroché à la mémoire.
Ces routes, ces immeubles, ces ombres tranchées, nous aurions tous pu les contempler, songeant avec nostalgie aux défunts.
tristesse perte mort
©Fred Goyeau

 

L’été est là, avec sa chaleur et ses rires, pourtant à l’intérieur de nous on ressent un peu de froid.
Il manque quelqu’un, un sourire, un parfum ou une voix.
C’est comme ça et il va falloir faire avec, mais on aurait préféré faire sans.
Alors, plutôt que de se morfondre, nous pouvons prendre le livre de Fred Goyeau et cheminer un moment à ses côtés. Dans les enceintes les cordes pincées égrainent quelques accords mineurs, un vieux bluesman chante la perte et l’amour.
C’est calme, lent et mélancolique.
C’est la vie et ça fait mal.
On prend une jolie leçon de vie avec Hard Time For Everyone, une leçon de dire aussi. Dans ce petit livre tout en délicatesse et subtilité, le cœur navigue et s’exprime et c’est très bien ainsi.
A la fin, le photographe va se tourner vers nous, avec un sourire nostalgique et dire : « Tu sais, les temps sont durs. Pour tout le monde. »
 
 
18€

 

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Frédéric MARTIN
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