Bilatéral – Samuel Gratacap

Samuel Gratacap Poursuite Bilatéral
©Samuel Gratacap

 

Bilatéral, livre de Samuel Gratacap, paru chez Poursuite évoque la réalité liée à la frontière avec pour les Alpes à la frontière franco-italienne.

Le photographe a choisi de s’attarder sur ce lieu de passage hautement symbolique, d’en interroger à la fois les paysages, mais aussi ceux qui le font ou qui n’y sont que de passage. Ce regard cherche à prendre de la distance face aux discours convenus des médias ou des politiques pour plonger au cœur d’une réalité humaine et physique.

 

 Samuel Gratacap Poursuite Bilatéral

 

Quelques hommes, des puissants aux visages anonymes et interchangeables, signent des traités, des accords. Les frontières sont établies, figées, gare à celui qui tentera de les franchir sans avoir le droit.

Pourtant ils sont là, silhouettes anonymes et pourtant terriblement humaines, marchant dans la neige. Ils n’ont pas grand-chose, un simple sac à dos.

Il y a le froid, les rivières, la montagne et les pierres, la réalité.

Les chemins que l’on parcourt, les sous-bois sont-ils des refuges ou des tombeaux ? La pierre est marquée d’un peu de rose ; d’autres observent la faune ou le paysage.

On ne sait, parfois, qui est qui du randonneur, du migrant, du secouriste.

Il y a la montagne avant tout, un espace immense et sauvage.

Et sur la neige des vêtements forment une tâche étrange…

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©Samuel Gratacap

 

La frontière est avant tout une construction humaine. Bien sûr, il existe des frontières naturelles (massifs montagneux, fleuves) mais pour la plupart les Hommes ont su s’en affranchir soit en les traversant soit en les contournant. Ce que relève et révèle Bilatéral c’est que justement cette notion, artificielle, n’existe pas dans la réalité.

Là où les gouvernants fixent une ligne plus ou moins arbitraire et artificielle, le terrain lui n’offre qu’un espace qui peut être parcouru, ou non, franchi avec facilité ou difficulté.

Or, les personnes que photographie Samuel Gratacap cherchent à s’affranchir de ces limites. Parce qu’elles ne vivent pas dans la même réalité que celles des dirigeants.

In fine il y a trois ensembles qui s’opposent : celui des gouvernants, celui des migrants, celui du terrain.

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Là où les migrants fuient une réalité économique, politique, religieuse, les pouvoirs en place voient une réalité territoriale, un contrôle (au sens de Foucault) des populations. Bien ou mal, ce n’est pas la question, mais ce que nous révèle Bilatéral c’est que ces deux réalités ne sont pas compatibles et surtout ne tiennent absolument pas compte l’une de l’autre.

Or, les images de ces hommes et ces femmes marchant dans la neige, avec un bagage on ne peut plus léger poussent tout de même à un peu plus de mansuétude envers eux que celle dont font preuve certains dirigeants.

C’est aussi oublier, ce que met Samuel Gratacap en relief de manière fort intéressante, que cette frontière est avant tout un lieu concret, su et visible. Là où une ligne symbolique coupe une carte, dans les faits il y a des rochers, des arbres, des rivières etc. Oublier cela, c’est oublier que les choses ne peuvent peut-être pas se décider tout le temps à distance et qu’il serait bien de se rendre compte de la concrétude des choses. La carte n’est pas le territoire et ce qui prévaut en sémantique est aussi valable en géographie ou dans les relations entre les Hommes.

Samuel Gratacap Poursuite Bilatéral
©Samuel Gratacap

 

Bilatéral offre un travail profondément réflexif. D’abord parce qu’il met en avant ce qui est, sans parti-pris. Il y a des choix opérés par certains, parfois contradictoires, souvent antinomiques, il semble important d’en prendre conscience.

Ensuite parce que Samuel Gratacap pousse son travail dans deux axes complémentaires : le lieu est dévoilé dans sa complexité matérielle, physique, les relations humaines aussi. Cette imbrication de l’un avec les autres montre toute la difficulté à avoir un avis tranché, ferme et définitif sur le sujet.

On peut considérer que les frontières doivent être gardées et infranchissables, mais dans ce cas c’est faire fi de toute altérité.

On peut considérer que ces frontières doivent être franchies facilement, mais c’est occulter la dangerosité du lieu.

La solution, comme bien souvent, passe peut-être par un chemin intermédiaire où l’Homme prendra conscience que son existence et celle de la Nature sont un tout et qu’il n’est peut-être pas utile de s’y opposer, où comme l’écrit Michel Agier dans le texte accompagnant livre :  » (la méthode cosmopolitique) naît du présent, et elle permet de réimaginer l’horizon d’une vie commune à l’échelle du monde le plus élargi, rendant enfin possible, un jour, l’accord de tous sur le besoin d’un « nous » cosmopolitique, aujourd’hui si pauvre. »

Bilatéral, Samuel Gratacap, nous permettent en tous cas de poursuivre notre réflexion, de la développer et peut-être de la modifier. C’est déjà beaucoup et c’est pour cela qu’il faut lire cet ouvrage.

Site de Samuel Gratacap

Site de Poursuite

35€

 

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Frédéric MARTIN
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