Séquences Japonaises – Michel Vermare

Japon Michel Vermare galerie Écho 119 Séquences japonaises
©Michel Vermare

 

Michel Vermare a arpenté les rues tokyoïtes, appareil photo en main, et de ses déambulations, de ses errances il nous livre un condensé dans Séquences Japonaises.

Mis en forme par Kinuko Asano, l’ouvrage s’apparente à un carnet de voyage, de notes glanées au fur et à mesure, bien plus qu’à un livre photographique. Il n’est pas question ici d’un Japon de métal et de verre, d’un Japon futuriste et technologique. C’est, au contraire, le Tokyo de la lenteur, des écarts, celui que les occidentaux, les touristes, ne voient pas.

Par ce détour, nous approchons l’ethnographie, un peu à la manière de Nicolas Bouvier, l’éternel voyageur, dans Le vide et le plein. Nous allons vers ceux, nos semblables, qui font le pays, sa vie.

livre photo Frédéric Martin chronique 5ruedu

 

Des visages dans la lumière d’un matin, un homme et une femme, la foule autour d’eux ; on promène ses deux chiens mais on ne manque pas d’en nourrir un troisième par-dessus un mur.

Un grillage et les pas pressés de ceux qui partent travailler ; deux oiseaux pensifs tournoient à la cime des arbres.

L’intérieur d’une maison, un homme assis lit le journal ; un chat de porcelaine gît brisé sur le sol, sa patte ne souhaitera plus la bienvenue aux visiteurs.

Le temps s’étire et se compresse, ici l’on vit et l’on se repose. Michel Vermare contemple plus qu’il ne regarde.

Et il écrit :  » Il faudrait photographier tout ça lorsque le regard est encore neuf. »

 

Japon Michel Vermare galerie Écho 119 Séquences japonaises
©Michel Vermare

 

Avec Séquences Japonaises s’ouvre une autre perspective : celle de s’accorder un rythme lent. Il s’agit ici de goûter l’instant et le lieu et non de revenir la tête farcie d’images clinquantes. Les photographies de Michel Vermaare, la relation qu’elles ont au sein du livre, s’approchent par instants du haïku. Non pas parce que nous sommes au Japon, ce serait par trop évident, mais parce que les instants collectés, leur mise en écho, forment une dentelle poétique.

Ici et là, le sublime côtoie le profane, le banal fait écho à l’idéal. Et à la manière des très courts poèmes quelque chose, mais quoi, nous est révélé. Le haïku ne se livre pas facilement, il faut prendre le temps de le savourer, de le décortiquer, de l’appréhender. De même les images de Michel Vermare ne se livrent que peu à peu, avec patience. C’est en marchant dans les pas du photographe que le voile se lève et que le décor prend sa substance.

Nicolas Bouvier écrit :  » Re-Japon. Une compréhension méthodique, rationnelle : on voudrait bien ! et que de temps gagné ! Mais le pays ne s’y prête guère. Il joue avec nos nerfs, peu faits à sa musique, nous impose son rythme qui est rompu et nous fait passer plusieurs fois par jour de l’aigreur chagrine à la gratitude sans mélange. » C’est aussi ce sentiment qui habite les photographies de Michel Vermare.

Les repères, faux puisque propagés par les films, la télévision ou Internet, que nous pensons avoir à propos du pays se trouvent ici bouleversés. Ce n’est pas le Japon des immenses avenues, ce n’est pas le Japon grouillant et hyper technologique. Non. C’est le Japon des japonais, celui qu’il faut découvrir, à minima, si possible le comprendre un peu. 

Japon Michel Vermare galerie Écho 119 Séquences japonaises
©Michel Vermare



Finalement, tout comme les livres des grands voyageurs, Séquences Japonaises ouvre la question du rapport au monde que nous pouvons avoir, aussi celle du rapport à l’autre. Qu’allons-nous chercher dans nos pérégrinations ? Qu’attendons-nous de nos errances ? Les photographes voyageurs sont nombreux, malheureusement nous recevons trop souvent les images des voyageurs photographes. La nuance est de taille : si le premier va à la rencontre, le second se contente de prélever. Si le premier se perd, s’enlise, s’écarte puis se retrouve, le second suit un tracé rectiligne et convenu. 

Il y a de la magie dans les images de l’un quand l’autre nous offre des platitudes.

C’est peut-être ce qu’il faut retenir de ce livre : le photographe voyageur peut prendre son temps, doit accepter d’être un peu bousculé, bouleversé pour pouvoir nous offrir quelque chose qui n’est pas de l’ordre du regard neuf, mais plutôt du regard juste.

Michel Vermare, Séquences Japonaises, sont de cette trempe. Ce Japon du quotidien et des japonais, ce Japon des écoliers et des mères aux parapluies, ce Japon du banal et du métro est plein d’honnêteté et de sincérité.

Il donne envie, à tout le moins, de prendre un billet pour la capitale nippone, de s’enfuir des zones trop denses pour se perdre dans ses quartiers périphériques. Il  n’y aura aucune vérité, rien à trouver, mais plutôt faire la rencontre de ce que nous ne voyons jamais.

Ce sera le plus beau des cadeaux qu’a pu nous faire le photographe. 

 

Site de Michel Vermare

Le livre est disponible auprès de la galerie Écho 119

38€

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Frédéric MARTIN
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