LUNE NOIRE – Christine Delory-Momberger

 

Lune noire Christine Delory-Momberger Arnaud Bizalion
©Christine Delory-Momberger

 

LUNE NOIRE, le nouvel ouvrage de Christine Delory-Momberger, paru chez Arnaud
Bizalion éditeur clôt le cycle mémoriel commencé avec EXILS / RÉMINISCENCES[1]
et EN S’ENFONÇANT DANS LA FORÊT[2].

Construit en deux parties, il ouvre d’abord sur des textes de forme poétique
dans un ensemble intitulé A bout de vie,
puis se poursuit par Et après qui
comprend un récit en prose et trente-quatre photographies. Il s’achève par un
texte de Jean-Philippe Pierron, philosophe du vivant. Ce corpus relate les deux
dernières années de vie de la mère de Christine Delory-Momberger et ce qui
suit, la vie sans elle, mais avec sa présence.

Histoire enquête quête souvenirs perte deuil après

Une photographie d’une femme âgée, les yeux clos, la main posée sur son
menton, presqu’un gisant, ouvre le livre ; plus loin ces mots en écho :
« Que reste-t-il/des quelques souvenirs/qu’elle voulait
garder ? ». L’amorce de l’ouvrage relate les derniers mois de vie de
la mère de Christine à travers dix-neuf poèmes qui sont autant de fragments
d’un journal de soi. Moments de doute, perte des repères, le temps s’effiloche
peu à peu. Les mots sont comme des remparts, des bouées, des témoins. L’autrice
nous parle d’instants fragiles et minuscules. Elle se dit, elle la dit, elle
évoque la fin.

Puis, sa mère n’est plus là et pourtant partout restent des traces, des
marques, une présence avec lesquelles il faut vivre.

Ces marques, nous les retrouvons dans cette lune perçant à travers les arbres,
une chambre dépouillée et son crucifix au-dessus de la porte. C’est encore un
chemisier blanc orné de dentelle ou une cabane dans une lumière apocalyptique.
Mais elle n’est pas seule, cette absente. Il y a d’autres femmes : Christine,
sa fille, dans un portrait à deux, aux côtés de cette mère, bouleversant. Mirja-Estelle
sa petite fille, présence vivante qui ne cesse de s’étoffer au fil des pages. Ce
n’est pas tout : c’est aussi la matérialité du père de Christine en
filigrane. Les vivants se mêlent aux morts, les uns se relient aux autres.

 

Lune noire Christine Delory-Momberger Arnaud Bizalion
©Christine Delory-Momberger



Il serait dommage, un peu vain aussi, de dissocier les deux parties du
récit qui composent LUNE NOIRE. Même
si elles relatent deux moments différents, elles sont pourtant en écho. Après la
déflagration du décès, il faut se reconstruire, il faut comme l’écrit Christine
Delory-Momberger commencer : « […] une vie sans elle. »
Toutefois, il a fallu, au préalable, accepter la mort à venir. Les mots de
l’autrice dans A bout de vie sont une
expérience, un parcours dans un moment dont elle sait la fin. Mais il paraît
possible d’y lire la préparation de l’« après », d’y voir par
l’effacement progressif physique et mental de la mère de Christine, la
naissance du fantôme qui va hanter les images suivantes. Parce que dans le
travail initié par la photographe, dans cette quête de l’intime qui est le fil
conducteur de son œuvre[3], il est
aussi question d’aller à la rencontre de son passé (ce cycle mémoriel que
conclut ce troisième ouvrage), qui servira aussi de support à la compréhension
du présent.

En cela, LUNE NOIRE n’est pas
qu’un récit de deuil, puis de reconstruction. C’est le poids d’une histoire
familiale, plus largement européenne, que porte cet ouvrage.

 

Italie France Allemagne
©Christine Delory-Momberger



La recherche photographique de Christine Delory-Momberger, son enquête,
creuse, fouille l’intime, ces interstices où se révèlent, en creux de nos
propres histoires, des Histoires plus vastes, peut-être une histoire humaine.
Il y a ces papiers d’identité italiens, mais aussi ceux siglés de la croix
gammée. Il y a ce père envoyé au STO (service du travail obligatoire) qui
posait des rails, dans l’Est de la France, destinés à transporter ceux qui
n’avaient plus ni avenir, ni humanité dans une Europe déchirée par la guerre.
Il y a cette famille qui fut italienne, allemande, française. Il y a Christine
Delory-Momberger qui quitta la France pour l’Allemagne à ses dix-neuf ans. Il y
a maintenant sa fille qui vit dans ce pays.

Derrière ces mémoires, ces souvenirs, ces parcours, naît en filigrane un
long récit des bouleversements qui ébranlèrent l’Europe du XXème siècle. LUNE NOIRE n’est pas un simple récit de
deuil, n’est pas uniquement la recherche de traces d’une mère. Bien sûr, c’est
cela, et avec une grande pudeur nous parcourons l’avant et l’après. Mais c’est
un ouvrage de quête, d’enquête. Par l’utilisation de ses mémoires, par la traque
dans ses souvenirs, Christine Delory-Momberger nous invite à considérer ce qui
est de l’ordre du familial à l’aune de l’historique. Nous avons tous été
touchés, d’une façon ou d’une autre par ces chambardements qu’a connu l’Europe
au XXème siècle. Bien sûr, nous n’en portons peut-être pas tous la trace, nous
n’en avons peut-être pas tous la mémoire, mais il serait intéressant, justement,
de se pencher sur nos passés pour comprendre notre maintenant. Il serait aussi intéressant
de voir en quoi ces passés sont en lien avec ceux de nos concitoyens européens
dans un mouvement plus vaste.

 

Lune noire Christine Delory-Momberger Arnaud Bizalion
©Christine Delory-Momberger



LUNE NOIRE poursuit et conclut le travail mené jusqu’à maintenant par Christine
Delory-Momberger dans sa quête de l’intime. Les choses sont achevées, se
terminent comme elles devaient finir. Les morts sont retournés aux morts, les
vivants vivent avec leurs souvenirs apaisés. C’est « l’heure bleue »
ce moment de passage entre ombre et lumière, passé et présent. Un voyage vient
de s’achever, d’autres vont commencer. Un cycle est résolu depuis, il y a
plusieurs années, la découverte de cette petite photographie crantée qui l’a
initié ; la photographe nous a conviés à une réflexion sur la puissance de
l’intime, sur la force créatrice de la photographie documentaire.

Christine Delory-Momberger, maintenant, va écrire sa photographie au
présent, elle qui a tant fouillé le passé. Mais il reste pour toujours des
livres, des mémoires, des traces : des témoignages de ce qui fut.


[1]
Exil/réminiscence,
C.DELORY-MOMBERGER, Arnaud Bizalion Éditeur, 2019

[2]
En s’enfonçant dans la forêt,
C.DELORY-MOMBERGER, Arnaud Bizalion Éditeur, 2021

[3]
A ce propos : Le pouvoir de l’intime,
C DELORY-MOMBERGER, V.BARDAWIL, Arnaud Bizalion Éditeur, 2020

 

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Site de Christine Delory-Momberger

Site d’Arnaud Bizalion éditeur

Christine Delory-Momberger est représentée par l’Agence Révélateur

 

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Frédéric MARTIN
Frédéric MARTIN

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