Immigrazione violenza dell’anima – Camille Carbonaro
Durant tout le mois de mars, 5ruedu a décidé de ne publier que des chroniques d’ouvrages d’autrices, tout en privilégiant, le plus possible, les éditrices. Il semble important, en effet, de rendre plus visibles celles-ci alors même qu’on ne leur laisse pas toute la place qui devrait être la leur.
©Camille Carbonaro |
Fruit d’une résidence effectuée à Berlin en 2017, Immigrazione violenza dell’anima par Camille Carbonaro paru chez Macaronibook (maison d’édition que gère Camille) est un livre d’artiste interrogeant la notion complexe d’étranger, de migrant et de migration.
Par ce travail, Camille Carbonaro cherche à mettre en relief ce qu’est, plus largement, vivre, s’intégrer dans un territoire qui est inconnu et donc à découvrir, comprendre et appréhender. Sujet actuel et sujet vaste parce que protéiforme, aux réponses non seulement plurielles, mais aussi changeantes et polysémiques.
Dans la rue, nous marchons et soudain surgissent les pièces éparses d’un puzzle que personne ne complétera plus.
Des mains fines aux doigts immenses posées sur un livre : que cherchent-elles ? Quelle mémoire hante ces pages ?
Et aussi des murs et de la neige, les portes d’entrée d’immeubles anonymes, d’autres hommes et d’autres femmes, des territoires à peine esquissés, un monde décomposé, fragmenté que nous explorons peu à peu.
Parfois une phrase, en exergue, qui dit « Why do you cut your roots by crossing the border ? (Pourquoi as-tu coupé tes racines en franchissant la frontière ?) ; une autre « We are all foreigner, with the other. » (Nous sommes tous des étrangers avec/pour les autres.)
Et, à chaque page de ce livre en forme de fragments reliés les uns aux autres, cette question : qui suis-je quand je ne suis plus chez moi ? Et qu’est-ce que chez moi, maintenant ? Comment vais-je faire pour y vivre et m’y sentir bien ?
©Camille Carbonaro |
Camille Carbonaro avec Immigrazione violenza dell’anima propose une réflexion qui, par son ancienneté et son actualité, transcende les époques et reste forcément ouverte.
Ils furent des milliers, des millions à quitter leurs pays pour chercher, si ce n’est la fortune, au moins une vie meilleure aux XIXème et XXème siècles. Ils partirent aux USA, en Australie, mais parfois bien plus près : n’oublions jamais les italiens, polonais, belges, algériens et tant d’autres qui vinrent reconstruire la France après les deux guerres mondiales.
Ils sont maintenant des millions aussi à fuir des guerres sans fins, une pauvreté accablante, les méfaits du changement climatique ; ils sont aussi des millions de nos jours qui partent simplement parce qu’ils veulent travailler ailleurs, dans un autre pays.
Mais tous, ces femmes, ces hommes ont eût à souffrir du déracinement. Ils ont dû se réinventer une vie, des habitudes, composer avec un modèle culturel, sociétal qui n’est pas le leur.
Et c’est ce que le livre de Camille Carbonaro montre avec la plus parfaite des délicatesses.
Composé de petits feuillets, d’inserts, il ressemble à une broderie patiente autour des questions de l’identité, de la reconstruction, de la position d’immigré. Chaque page nous amène dans un territoire morcelé, parfois en friche, comme autant de détours, de boucles de l’âme. Immigrazione violenza dell’anima est un livre multiple, complexe, comme le sont les histoires qu’il évoque.
©Camille Carbonaro |
©Camille Carbonaro |