Je n’habitais pas mon visage – Mathieu Farcy

 

 

je n'habitais pas mon visage Mathieu Farcy éditions Loco
©Mathieu Farcy
Nous savons tous que la vie réserve son lot d’épreuves plus ou moins grandes, c’est presque un truisme de le dire. Mais parmi celles-ci certaines se révèlent si terribles qu’il ne nous est pas si facile de les imaginer.

Réunissant cinq personnes défigurées, littéralement, par la maladie –Anna, Béatrice, Philippe, Samia, Xavier– accompagnées du photographe Mathieu Farcy, Je n’habitais pas mon visage, paru au Éditions Loco est un livre de combat, de souffrances et de rédemption.

Bien que chapeautant le projet, Mathieu nous informe que c’est d’abord et avant tout un travail collectif, un en-commun entre cinq humains (bien plus que des malades), un photographe et un chirurgien du visage le Docteur Quentin Qassemyar.

Et se pose la question lancinante, insidieuse, celle qui vient immédiatement à l’esprit quand on apprend les ravages du cancer sur un œil, un nez : comment va-t-on pour vivre avec la perte de ce qui fait une grande part de notre identité : le visage.

je n'habitais pas mon visage Mathieu Farcy éditions Loco

 

Composé de doubles pages qui se déplient, presque comme des journaux intimes secrets, ce livre à la maquette superbe, nous aspire dans un monde de doutes, de joies, de peurs et de renaissances.

Il y a des miroirs vides dans lesquels on n’ose peut-être plus se regarder, mais aussi des mains couvertes de bagues à tête de mort. Le visage sous la peau, sous la chair, est d’os, la mort est là, aussi, qui rôde.

Quelques photos d’identité, normées et normatives, du temps d’avant, d’avant les mains du chirurgien, des opérations, de la reconstruction.

Un torero, parce que c’est un combat cette vie à reconquérir, ce visage à reconnaître, à accepter.

Et des masques posés là devant les vestiges du désastre, des lettres, des mots de peine, de joie, de doutes, de prière.

Mathieu Farcy nous livre ses carnets, des fragments, à l’écriture manuscrite vive et incisive. Lui aussi a ses doutes et ses joies.

chirurgie douleur reconstruction

 

Je n’habitais pas mon visage est le titre du livre mais ce sont aussi les mots de Samia une des participantes du projet qui résume à quel point tout ça est immense à saisir, à comprendre et à vivre.  Comment dès lors y revenir à ce visage ?

Par la parole, par l’image, par le choix aussi de la collaboration. Non ce n’est pas une thérapie de groupe, mais c’est une expérience collective de vie, de dépassement.

Chacun y met ce qu’il est, ce qu’il vit, ce qu’il doute. Parce que c’est toute la complexité de la situation, de l’accident qui est ici dans ces pages au papier glacé.

Et c’est la grande force de cet ouvrage. Mathieu Farcy a su s’effacer de façon magistrale pour laisser la place à ce collectif issu des circonstances. Quand il reprend sa houlette de photographe c’est uniquement pour amener le projet à une forme concrète, aboutie, mais tellement respectueuse des individualités.

je n'habitais pas mon visage Mathieu Farcy éditions Loco
On ne peut, bien sûr, qu’être admiratif devant le courage des cinq personnes, mais c’est là, encore, une sorte de truisme. Celui ou celle qui combat la maladie et l’épouvante de celle-ci, mérite de facto la plus grande admiration, le plus grand respect.
Mais surtout, on ne peut que lire avec gratitude l’immense message d’espoir que porte Je n’habitais pas mon visage.
Bien sûr, les duos photographe-malade exposent toutes ces questions qui se bousculent quand le visage stable et connu disparaît.
Bien sûr, Mathieu Farcy ne peut faire l’économie de montrer ce qui ne va pas, ces moments de violence qu’amènent le regard des autres par exemple.
Sauf qu’à l’issue de la lecture on se prend à penser qu’ici l’humanité au sens le plus noble du terme est agissante.
Mathieu Farcy recueille une parole et nous la livre. On peut y lire la douleur, mais on doit y lire surtout ce qui fait la beauté de la condition humaine : l’espérance. Parce qu’après la guerre, après les mutilations, la perte, il y a toujours autre chose de plus beau et plus noble. Et la mention initiale faîte des gueules cassées de 14-18 rappelle avec acuité que certains ont tout perdu il y a cent ans déjà.
Je n’habitais pas mon visage est un livre d’espoir, un très grand livre d’espoir. Souhaitons qu’il essaime…

Site de Mathieu Farcy

Site des éditions Loco

30€

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Frédéric MARTIN
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