Journées – Thomas Gauthier
Il y a ce que nous vivons, nos journées souvent semblables et ce que nous faisons des souvenirs de celles-ci. Que reste-t-il ? Qu’est ce qui émerge ? Sommes-nous entrain de les vivre ou de les rêver ?
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| ©Thomas Gauthier |
Une bâche blanche, le soleil, une grue.
Plus loin, une autre bâche, plissée, accrochée à un mur.
Plus loin encore une bâche, noire cette fois-ci, luisante avec un monticule de terre nue à ses côtés.
Puis, une main tâchée de vitiligo, une voiture accidentée, des rails, des matelas, des silhouettes un peu floues, comme en fuite.
Parfois c’est le jour, l’aurore, d’autres la nuit est venue.
Il n’y a aucun repère, le cadre de la photographie est étroit, contraint.
Le regard se perd, se heurte dans ce livre labyrinthique. Le monde n’est plus lui-même, il devient par le regard du photographe un entrelac aléatoire, un ensemble de moments juxtaposés à l’origine équivoque.
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| ©Thomas Gauthier |
Thomas Gauthier nous propose, avec cet ouvrage, une réflexion sur le quotidien, le banal, convoquant aussi quelques obsessions : les paysages bouchés, les murs qui encerclent, mais chaque instant, chaque image contient en lui-même un infini de possibilité.
« Alors de quoi sont faîtes nos/vos Journées ? » semble nous demander l’auteur. Parce que celles présentées ici sont sans nul doute très semblables à celles de millions d’autres personnes. Et finalement, qu’est-ce que nous en retenons ? Rien peut-être ou si peu.
Il faut tout le talent et le regard de Thomas Gauthier pour que nous plongions dans ces lieux déjà vus, déjà sus avec un œil nouveau. Oui, il y a quelque chose de rafraîchissant à regarder autrement ce que nous ne voyons plus. Tout est là, dans ces moments insignifiants. Tout.
Une histoire, des histoires, des vies, la vie.
Et cette prise de conscience peut nous amener à repenser notre rapport à notre environnement, à notre quotidien.
Peut-être nous déciller ?
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| ©Thomas Gauthier |
Mais le déjà-vu évoqué ne s’arrête pas là. Il y a dans la photographie de Thomas Gauthier quelque chose de profondément onirique. La sensation d’un rêve en commun, que tous les Hommes (du moins tous les humains occidentaux) vivent plus ou moins. Chaque scène pourrait se répéter à l’identique et à l’infini dans des villes immenses qui n’auraient de nom que celui qu’on voudrait bien leur donner.
« Est-ce ainsi que les Hommes vivent ? » pourrait-on se demander. Mais il serait possible aussi de se dire : « Est-ce ainsi que les Hommes rêvent ? »
Parce qu’au fond qu’est-ce qui est réel dans ces images ? Tout et rien. On se heurte sans cesse à des bâches, des murs comme dans ces moments oniriques où nous tournons en rond. Rien n’a de sens, mais tout est compréhensible et au final les vérités de la nuit ne sont pas celles du jour.
Avec une pointe de malice ironique, Thomas Gauthier nous amènera à cette simple question : « Qu’est-ce que la vérité ? »
Il n’y en a pas ou il y en a cent. Et chaque photographie initie un rêve supplémentaire ou une part d’un autre.
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| ©Thomas Gauthier |
Journées soulève bien plus de questions qu’il n’offre de réponses, ce qui par les temps actuels de certitudes médiatiques assenées à grand renforts de « moi je » a quelque chose de frais et salvateur.
Merci donc à Thomas Gauthier pour ce livre, pour ces instants empruntés au temps.
Merci à ces journées à rallonge.
Merci à la banalité du quotidien.
34€
