Aux jours inoubliables – Gaël Bonnefon

 

©Gaël Bonnefon

 

Il y a les images qui existent.

Il y a les images qui ont existé.

Il y a les mots.

Il y a les souvenirs.

Il y a les certitudes et les incertains.

Il y a ce qu’on oublie.

Tout ceci se rejoint, se mélange, se croise de manière inextricable dans le dernier ouvrage de Gaël Bonnefon, Aux jours inoubliables, paru chez sun/sun (Céline Pévrier).

 

Gaël Bonnefon sun/sun éditions Aux jours inoubliables

Les heures, les jours ont passé. Le photographe, patiemment, une à une, a collecté des images.

Des enfants jouent dans une cour de récréation, un parc ou un jardin. Qu’importe le lieu, la lumière baigne le monde comme un premier matin, mais le noir et blanc ancre le récit dans un passé sans temporalité.

Plus tard la table du banquet se dresse, nous serons dix à déjeuner, le soleil frappera le drap blanc, le bonheur aussi.

Quelques fois, les enfants sont là qui tiennent dans leurs mains de simples cailloux blancs, se cachent les yeux. Toujours, toujours on sent sur la peau les rayons.

Et c’est encore une forêt perdue de brume, une montagne, un feu qui crépite.

Mais ce sont surtout des pages blanches, nombreuses, avec parfois un ou plusieurs carrés plus clairs, comme s’il manquait une photographie.

©Gaël Bonnefon

C’est un rêve morcelé, ce sont des instants fugaces, c’est la vie et les souvenirs qu’on retient.

 

Aux jours inoubliables est composé d’images couleurs collectées entre 2009 et 2021 et d’images noir et blanc produites, elles, avec les enfants des écoles lors d’ateliers dans le Couserans.

Et l’ouvrage ainsi conçu est surprenant à bien des titres.

La maquette tout d’abord est très étonnante : en effet, l’omniprésence des pages vierges pousse le lecteur à s’interroger sur la force de celles-ci dans l’ouvrage ; plus largement sur la puissance de la mémoire, la place de la photographie dans nos vies. Par ailleurs, la présence de petites phrases, de petits textes comme des ponctuations au bas des pages invite à se pencher sur nos propres histoires et ce que nous nous racontons de nos passés.

©Gaël Bonnefon

Alors que reste-t-il une fois le temps écoulé ? Des fragments, des vides nombreux, quelques pleins incertains.

Mais lesquels ?

C’est la première question qui vient à l’esprit à la lecture du livre. On se rappelle, on se souvient et parfois on note quelques éléments minuscules (il y a du Pierre Michon dans ce livre), pour être sûr de ne pas les oublier. Mais la mémoire est infidèle, la matière aussi. Les photos se détachent, disparaissent, le texte n’a plus guère de sens que pour celui qui l’a écrit (et encore). Les jours, paradoxalement, ne sont pas si inoubliables que ça, l’oubli ressemblant à des pages vides, des phrases décousues, de plus en plus nombreuses au fur et à mesure que le Temps passe, malheureusement.

Finalement, Gaël Bonnefon ne nous offrirait-il pas le palimpseste de nos propres existences ?

©Gaël Bonnefon
A moins qu’il ne soit un messager de nos sommeils ?

On peut lire, peut-être, Aux jours inoubliables comme le résumé d’un rêve sans fin. Il y a ces moments où l’irréel nocturne est tellement vrai qu’il donne l’impression non seulement de le vivre, mais aussi et surtout d’en être partie prenante. Nous sommes là au cœur d’une histoire inventée de toutes pièces, mais qui est pourtant si juste, si concrète. Puis, il y a le réveil, le matin où nous cherchons tant bien que mal à rassembler les morceaux du songe qui s’effilochent de plus en plus à mesure que nous recouvrons notre lucidité.

Le blanc suppléé la couleur, le blanc prend toute la place et même nos efforts de souvenance sont vains.

Rêve ? Souvenir ? Qu’importe, l’un comme l’autre disparaissent trop vite. Mais Gaël Bonnefon nous amène à sa façon dans une forme de Temps du Rêve où tout existe sans être. Il faut simplement se laisser aller, accepter l’oubli, la perte, pour profiter au mieux de ce qui reste. Les fragments contiennent suffisamment d’histoires pour que nous puissions recréer le monde.

Site de Gaël Bonnefon

Site de sun/sun éditions

35€

 

 

 

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Frédéric MARTIN
Frédéric MARTIN

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