La Cambuse – Martin Gallone

 

livre photo
Macaronibook, maison d’édition fondée en 2016 et basée à Bruxelles, a fait le choix de publier, au sein de sa Collection Baleine Blanche, des ouvrages évoquant le père. Que ce soit par l’interrogation, l’exploration ou la reconstruction de l’image de celui-ci, chacun des livres suit ce fil conducteur.

Le dernier en date, La Cambuse met en avant le travail du photographe Martin Gallone.

Et c’est ici un travail qui creuse la reconstruction, la re-création de l’image paternelle.

Martin Gallone La Cambuse Macaronibook
©Martin Gallone
Philippe Gallone est un géant débonnaire à la tête de boxeur, au nez de première ligne.
C’est un bon vivant, un joyeux fêtard que tout le monde aime, qui semble aimer tout le monde.
Philippe Gallone possède une immense culture et sait tout faire.
Parfois, il se blesse en dansant le rock, mais il n’en a cure puisqu’il va plâtrer des statues pour se guérir.
Philippe a visiblement de l’humour.
Il tient un restaurant, La Cambuse, parce qu’il cuisine très bien, qu’il a le sens de la convivialité, qu’il aime l’amitié.
Philippe c’est aussi et surtout le père de Martin.
Et Philippe se suicide alors que son fils est encore tout petit.
Comment dès lors construire une image paternelle alors même que de père il n’ y a plus ?
Martin Gallone La Cambuse Macaronibook
©Martin Gallone

 

Martin Gallone prend le double parti des photographies et du texte pour tenter de former si ce n’est une image, au moins un contour de ce père absent.
Piochant dans des archives, dont une partie se situent précisément dans le restaurant La Cambuse, il décide conjointement d’interviewer des familiers de Philippe.
Son ex-épouse bien entendu (la mère de Martin), sa sœur, mais aussi des amis, ceux qui étaient là les soirs de fêtes, de repas pantagruéliques et délicieux.
Peu à peu, au gré des pages, émerge le portrait d’un homme aussi complexe que généreux, aussi multiple que malheureux.
Emerge aussi, en filigrane, le portrait d’une époque plus insouciante et souriante. Heureuse ?
mémoire altérité souvenirs
©Martin Gallone

 

Des tablées de copains et copines au défilé d’un 14 juillet costumé, des photographies extraites de livres de cuisine proposant des plats aux saveurs denses et lourdes à un homme arrosant ses plantes en chemise et sabot (évoquant irrésistiblement Van Gogh), on voyage dans le temps, dans une époque aux confins des 70’s.
Ce sont des images aux couleurs un peu passées, un peu jaunies, ce sont des lettres, des coupures de journaux.
Ce sont des gens héritiers de Mai 68 qui chérissent la liberté et l’extravagance, mais qui parfois se brûlent les ailes.
C’est une vie, une seule qui se tient là devant nous.
C’est un père retrouvé par-delà les années, par-delà l’absence.
La Cambuse France 80's
©Martin Gallone

 

La Cambuse est un livre riche, généreux, mais aussi difficile et protéiforme, comme le fût vraisemblablement le père du photographe comme le furent ces années-là.
Et c’est peut-être là que tient la force de ce travail : chaque Homme est multiple, et de l’image que chacun à de lui, naît une image commune.
Mais celle-ci est-elle la réalité ?
Bien évidemment que non, elle n’est qu’une mémoire avec ses failles, ses biais, ses brouillards et ses soleils.
Une des personnes interviewée, Jacques Agreil, un ami de Philippe, a cette phrase :  » Pour moi Philippe était Philippe. » Il se peut que cette phrase résume le livre, qu’elle en soit la quintessence. Parce qu’un être humain n’est jamais autre chose que lui-même et que ce père finalement est tous ces moments de joie, de fête, mais aussi de peine, de tristesse. Il est des espoirs et désespoir, utopie concrète, fantasme et réalité.
Martin Gallone La Cambuse Macaronibook
©Martin Gallone

 

Lire La Cambuse c’est aussi s’interroger sur son rapport à sa propre famille, à ses propres souvenirs. Une fois nos parents disparus que va-t-il nous rester d’eux ?
Quelques images, là aussi, quelques moments doux ou douloureux. Bien entendu notre rapport sera, dans la plupart des cas, plus facile : nous aurons connu nos parents, et l’image, la mémoire que nous avons/aurons d’eux sera plus récente.
Toutefois, il ne paraît pas hors de propos de penser que celle-ci sera faussée, travestie, embellie ou enlaidie et que, par conséquent, nous devrons aussi « recréer » ces personnes à l’aune de nos souvenirs, des traces que nous aurons d’eux.
Mais, peut-être dans ce cas est-il important de se pencher un peu plus avant, dès maintenant, sur eux ?
Et, par exemple, les convier à un repas mémorable dans un restaurant qui pourrait avoir pour nom La Cambuse.
En tous les cas, il semble important, comme le fait si justement Martin Gallone, de suivre les traces, de les investiguer pour garder au cœur le souvenir de ces personnes, leurs joies et cette insouciance infinie qui nimbe La Cambuse.
 
 
25€
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Frédéric MARTIN
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