La 89 est-ouest – Christophe Goussard/Cécile Coulon
Mais pour ceux, les plus aventureux, qui n’ont que faire des sections à péage et autres relais autoroutiers, se profile un choix bien différent. En effet, ils ont tout loisir de prendre la RN 89, plus connue sous le nom de 89, route ancestrale de l’axe est-ouest, et ainsi profiter d’un trajet certainement plus long, mais combien plus beau.
Publié dans la Collection Traversée chez Filigranes Éditions1, la 89 est-ouest de Christophe Goussard, accompagné d’un texte de l’écrivaine clermontoise Cécile Coulon, offre un lent et nonchalant détour le long de cette route. Le photographe a pris pour cadre un espace compris entre les frontières orientales du Massif Central (aux environs de Feurs dans la Loire) jusqu’aux limites occidentales de la Corrèze, la part belle restant au département du Puy-de-Dôme.
©Christophe Goussard |
Des plateaux dénudés aux arbres tordus par les bourrasques de vent.
Parfois, le voyageur devine quelques monts presque chauves ou couverts d’une forêt dense de résineux.
La route s’étire trempée de pluie et il y a à peine quelques trouées dans un ciel tourmenté de nuages.
Des orgues basaltiques dominent aux détours d’un virage.
Les espaces sont immenses et presque sauvages encore.
Mais voilà qu’apparaissent des femmes, des hommes.
C’est un apiculteur, l’autre conduit un chantier.
C’est un couple qui a toujours vécu dans cette montagne autrefois pleine de neige.
C’est une agricultrice qui sait le goût du lait de ses chèvres.
C’est un territoire autour d’une route, ce sont ses habitants.
©Christophe Goussard |
Comme l’écrit Cécile Coulon dans un très beau texte introductif : » Cette RN 89, on la connaît toujours […] le chemin d’avant persiste, continue, et les âmes continuent avec lui. »
Et c’est de ça dont il s’agit dans le magnifique livre de Christophe Goussard : un voyage, une errance lente et douce au cœur d’un territoire et de ses habitants.
« Ici finit la France, ici commence l’Auvergne » proclame fièrement une pancarte dans un café anonyme quelque part dans la montagne thiernoise. Et oui, c’est l’Auvergne ici. Ce pays qui, comme l’écrivait Alexandre Vialatte « produit des ministres, des fromages et des volcans. » Il y a peut-être moins de ministres, mais tout autant de volcans, quant aux fromages, l’agriculture y est encore pour un temps bien vivante.
Et la 89 est-ouest nous amène justement au cœur de cette Auvergne, en lien direct avec ses habitants.
©Christophe Goussard |
Ils ont accepté de prendre la pose quelques instants, ils ont peut-être offert le café (ou un verre de vin, l’Auvergnat est accueillant et sait recevoir). Ils ont très certainement pris le temps de discuter avec le photographe. De tout, de rien. De la pluie, des récoltes, de la politique agricole commune, des enfants partis là-bas loin à Lyon ou à Paris, du prix de l’essence, de la beauté à couper le souffle des paysages.
Puis, ils sont retournés à leurs tâches et Christophe Goussard est reparti suivre les virages, longer les forêts.
Au fil des pages, on se prend à rêver de ses espaces immenses, de liberté et ça même si on connaît bien les lieux, la RN 89 et ses traitrises hivernales. On a envie, nous aussi, de passer du temps à flâner sur cette route, à saluer ses riverains. On a envie de comprendre leurs vies, de connaître mieux les lieux.
©Christophe Goussard |
La 89 est-ouest est une ode. On y entend l’amour d’un pays et de ses pierres, la joie des pluies qui l’arrosent et l’écho résonnant au fond des bois. Mais c’est aussi un hymne, un hommage, à cette France périphérique, à cette diagonale du vide, à ces habitants qui font les forces vives et bien trop souvent invisibles de la Nation, à la majestuosité de ce coeur de France.
Christophe Goussard sait chanter les uns et les autres de la plus belle manière qui soit.
Une fois les frontières corréziennes franchies, nous nous retournons une dernière fois pour saluer ces terres immenses et entonner à notre tour une chanson qui parle d’y revenir.
1 : cette collection est une collaboration entre Filigranes Éditions et l’association Clermont-Ferrand Massif central 2028 dans le cadre de la candidature de la ville et du territoire au titre de Capitale européenne de la culture 2028.
Site de Clermont-Ferrand Massif Central 2028
15 €