L’attrape-rêves – Anton Delsol
La nuit est figée, floue, et pourtant insatiable.
Elle renferme des corps, des voyages, des errances, la peur, les doutes et l’espoir.
La nuit vibre des rêves inouïs et L’attrape-rêves, ouvrage d’Anton Delsol, cherche à les capturer, les relâcher, pour que plus tard l’oubli ne soit plus possible.
©Anton Delsol |
A l’orée de la nuit, dans les lumières un peu glauques du soir, d’un matin, on croise des corps de femmes, nus bien souvent, extatiques. Plus loin c’est l’océan, les rochers, une forêt, des chevaux innombrables.
Le silence d’un escalier vers l’enfer contredit une croix dressée comme un rempart contre les désirs hérétiques.
On entend des halètements, des draps froissés témoignent de l’oubli des amants. Un bâtiment abandonné, des corps fragmentés, l’amour, le désir furent mais ils se sont enfuis dans l’obscurité.
©Anton Delsol |
L’attrape-rêves fouille les mémoires, Anton Delsol nous conviant dans les labyrinthes de ses souvenirs, ou de ceux des humains, au détour de songes.
Mais des rêves il existe aussi le pendant cauchemardesque. Et de la joie il faut toujours penser à la peine.
©Anton Delsol |
Les artifices n’existent plus dans cet ouvrage dense qui entremêle photographies couleurs et noir et blanc. Les peaux sont avides, les rêves parfois arides.
Le photographe dépouille une à une les mémoires, les structures des illusions que purent être les rencontres amoureuses. On étouffe en certains lieux, on sent la sueur qui colle aux draps, aux mains, aux fronts. Nous sommes ces amants et leurs ébats, nous sommes prisonniers des rêves qui nous enlacent, nous nous heurtons aussi aux bois. Mais nous sommes aussi libres et vivants.
L’attrape-rêves va vers une fête étrange, surprenante, à l’érotisme sourd, où la Vie et la Mort entament un dialogue impromptu et infini, où la réalité et le rêve s’entrecroisent, se perdent pour mieux se retrouver. C’est un livre d’amour, de peine, de fuite et de retrouvailles.
Le lecteur ne peut que s’égarer, s’engloutir au fil des pages, ne peut que se heurter à ces images de la même façon que nos rêves au matin ne laissent bientôt plus que des traces fugaces, des bribes incertaines alors qu’ils étaient une réalité tangible quand nous dormions.
©Anton Delsol |
Anton Delsol réussit à nous introduire dans un monde de chimères. Il n’est pas, pourtant, un guide, plutôt un passeur, un conteur de celui-ci.
Et nous ne pouvons que le suivre, parce que ces rêves sont peut-être aussi parfois les nôtres. Finalement, il se peut qu’ils puissent être attrapés, en tous les cas l’ouvrage d’Anton nous laisse entrevoir ce qu’il y a à l’arrière de nos sommeils et de nos amours et c’est pour ça qu’il faut le suivre avec son attrape-rêves.
35€