Ce qu’on appelle aimer – Laure Samama
Ce qu’on appelle aimer par Laure Samama paru dans la collection Notes chez Arnaud Bizalion éditeur commence par ces mots Je pose mon visage dans le creux de ton cou.
Dix mots. Dix mots qui résument à eux seuls ce que pourrait être l’amour : un abandon, une dépose.
Tout tient en ce geste d’une délicatesse infinie, cet arrêt du temps : une femme vient poser sa tête dans le creux du cou de son amant. Elle sait à cet instant qu’elle l’aime. Elle sait, aussi, peut-être, que l’amour sera corollaire à la souffrance.
Parce que si elle vit seule, lui est marié.
©Laure Samama |
Ce qu’on appelle aimer n’est pas à proprement parler un livre de photos, mais ce n’est pas non plus un livre de textes. C’est un mélange où les uns renforcent les autres, où les deux dialoguent de façon habile dans une dérive lente, poétique et sensible.
Ici une fleur grimpante envoyée un 24 septembre. Je pense à toi semble dire les mains qui s’approchent. Je pense à toi et je veux que tu m’enlaces.
Là, deux gâteaux qu’on mangera peut-être ensemble, avant de s’embrasser et d’essuyer les traces de chocolat aux coins des lèvres. C’est un 15 septembre.
Plus tard, souvenons-nous du13 octobre, il y avait des courbes et des angles. Les amants ne se quittaient que pour mieux s’espérer.
Viennent ses mots à elle. Mots d’amour, mots d’espoir, mots d’attente. Le temps est long quand il n’est pas là, le temps est long et on cherche à le faire passer comme on peut, du mieux qu’on peut. Parce que l’amour c’est peut-être ça aussi, des heures à contempler le vide qui se remplira pendant de trop brefs moments.
Mais le voici qui arrive, l’amant magnifique, un peu perdu, un peu inquiet. Il est chez elle, avec elle et les corps exultent, les âmes aussi. Ils s’aiment et tout est simple d’après elle. D’après lui aussi. Les peaux se trouvent, les habits glissent, les doigts, les bouches fouillent.
Bientôt il repartira, il faudra attendre encore et encore.
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Lire Ce qu’on appelle aimer n’a rien d’anodin.
D’une part parce que la forme que propose Laure Samama est particulièrement originale dans le paysage éditorial actuel (forme qu’elle poursuivra par la suite avec Je danse seule paru lui aussi dans la collection Notes). Ils sont rares les livres où s’imbriquent texte et image, pourtant celui-ci montre que de toute évidence ce format gagnerait à être développé. L’un n’annule pas l’autre, bien au contraire et il faut reconnaître en Laure une voix authentique et singulière.
D’autre part, parce que l’amour, sujet battu et rebattu, parfois jusqu’à la nausée, peut donner lieu à quelque chose de touchant, un bouleversement infini. Il faut avoir connu la tristesse et la félicité que procurent l’acte d’aimer. Il faut avoir connu les heures patientes et l’acmé des instants à deux pour comprendre tout ce que ce petit livre a à nous dire.
S’aimer, c’est cela s’aimer : un vertige inouï, des fragments d’heures éblouis, une chute absolue.
Et il serait éventuellement profitable à ceux qui aiment, qui aimeront, qui ont aimé de se pencher sur ce livre, parce que les mots et les images de Laure Samama ouvriront leurs âmes et leurs cœurs aux éventualités de ce qu’on appelle aimer.
Site de Arnaud Bizalion éditeur