Ève Réincarnée – Colette Pourroy

 

Ève réincarnée André Frère Éditions

 

Colette Pourroy par son œuvre questionne son histoire familiale. Qu’il s’agisse de son père (Au clair de son ombre), de sa mère (Rouge était sa couleur) ou de sa grand-mère (L’ombre de Kate), la famille et ses interactions, la mémoire se trouvent interrogées, confrontées, creusées.

Ève réincarnée, paru chez André Frère Éditions, ne déroge pas à cette règle puisque la photographe mène un travail autour de sa sœur.

Colette Pourroy
©Colette Pourroy
Deux enfants et une plage immense. L’une montre à l’autre quelque chose au loin, peut-être un bateau, un oiseau, qui sait…
On imagine deux sœurs, une journée d’été avec un vent qui rafraîchit agréablement l’air.
On imagine un moment de joie.
On imagine, peut-être, Ève, la grande-sœur, l’aînée, qui montre à Colette sa cadette.
C’est un moment de complicité inouïe, d’amour, de partage. De ces moments qui n’existent souvent qu’à l’enfance et qu’il ne faut surtout pas perdre.
enquête famille
©Colette Pourroy

 

Alors la photographe se saisit de l’image de son aînée, la fait sienne.
Elle n’est plus seule. Elle est deux. L’autre lui échappe, écrit-elle.
Mais cette saisie est aussi l’espoir de ne pas perdre le souvenir de celle qui un jour choisira de se jeter dans la lumière.
Et Ève est là, partout, tout le temps. Elle lit un livre, on la croise dans l’ombre d’un olivier, à l’approche du chat qui baille. Elle est là aussi dans ces fenêtres ouvertes, ce reflet d’un miroir, dans la lune d’une nuit sombre.
souvenir mémoire livre photo Colette Pourroy
©Colette Pourroy

 

Au-delà de l’hommage à une sœur disparue, Ève réincarnée interroge aussi sur la profondeur du sentiment qui nous lie à nos proches et sur ce que la photographie nous révèle de celui-ci.
Colette Pourroy avec cet ouvrage nous livre des instants de grâce à la mélancolie douce. Certes, Ève a choisi de mettre fin à ses jours et tout ceci ouvre un abîme dans l’existence. Il faut vivre malgré la disparition de l’autre, il faut vivre coûte que coûte et essayer de se souvenir, de se rappeler. Bien sûr, il s’agit aussi de surmonter ce drame.
Et c’est là que la photographie, l’acte lui-même, mais aussi la recherche des archives, donne pleinement sa mesure. Les images sont floues, un peu tremblées parfois, pareilles à ces souvenirs qui perdent aussi de leur substance si on ne les réactive pas régulièrement.
Il faut donc y revenir, sans cesse, relire les mots écrits, revoir des instants à deux, des lieux, des histoires.
Ève réincarnée André Frère Éditions
©Colette Pourroy

 

Nous étions deux semble nous dire Colette Pourroy, nous étions deux et j’éprouvais tant d’amour pour cette sœur.
Et cet amour un livre le garde vivant, lui donne une existence presqu’éternelle. Et ce livre dans le même temps calmera les blessures, celles qu’on n’arrive pourtant pas tout à fait à soigner à défaut de les guérir.
 
Ève réincarnée réexiste, elle n’est plus tout à fait morte. Colette Pourroy nous invite, implicitement, à penser à ce que nous faisons de nos archives photographiques, de la mémoire de nos images.
Nous aussi nous aurons un jour à faire des deuils. Alors peut-être que nous aurons à cœur de replonger dans ces photographies que nous avons pris par le passé. Et c’est alors que les livres de Colette Pourroy, son œuvre, prendront tout leur sens, puisqu’ils seront, en plus d’un travail d’une immense tendresse sur la mémoire, un guide pour ceux qui auront à accomplir les leurs.
 
 
26€
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Frédéric MARTIN
Frédéric MARTIN

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