Correspondance arménienne – Carole Fékété

Les éditions Naima proposent, parallèlement à des livres papier, des livres de photographies au format numérique, chose assez rare dans le milieu éditorial photographique actuel.

Correspondance arménienne par Carole Fékété en est un exemple.

Carole Fékété Naima éditions Correspondance arménienne
©Carole Fékété
Carole Fékété a choisi un séjour en Arménie pour ouvrir un groupe WhattsApp avec cinq de sesconnaissances. Durant un mois, elle va leur faire parvenir quotidiennement, du moins tant que son téléphone est chargé ou la communication possible, des images ainsi que des sons, des mots relatant son périple.
Les réponses de ses correspondants n’apparaissent pas dans l’ouvrage ce qui permet de resserrer le propos sur les pensées, le quotidien de la voyageuse.
Le livre se lit grâce à une application de type Thorium (gratuite) et de préférence en scrollant, à l’instar d’une vraie conversation sur la messagerie.
Cette mise en page amenant, de fait, le lecteur dans la position de « l’ami », ce qui peu à peu crée un lien invisible entre l’auteur et lui-même.
Lien troublant et fort.
Arménie détour
©Carole Fékété

 

Carole Fékété part en 2019 pour l’Arménie ; bien qu’il y ait dans sa généalogie trace d’un grand-père arménien, ce voyage n’est pas nécessairement un retour vers la terre ancestrale.
C’est autre chose, au-delà.
Et peu à peu se déploie un pays que nous ne soupçonnons pas vraiment.
Erevan, la capitale, sert de base de départ à une série de détours, parce qu’ici il s’agit bien plus de détours, d’escapades, peut-être même d’écarts que de tourisme.
Ce qui frappe avant toutes choses c’est la singularité des rencontres, qu’elles soient humaines ou avec des lieux, que nous offre Correspondance arménienne.
Ici, là, ce sont des espaces immenses, des ciels à perte de vue.
Parfois, la ville, ses vieilles Lada, son architecture, mémoire vive des années soviétiques.
Plus loin des hommes et des femmes souriants, du stop et les rives de lacs immenses.
L’Arménie est sauvage, ses habitants sont accueillants ; les fleurs jaunes, violettes parsèment le décor et on peut songer à s’endormir dans le repli du monde pour une sieste sous quelques nuages et un peu de vent.
Carole Fékété Naima éditions Correspondance arménienne
©Carole Fékété

 

Correspondance arménienne a quelque chose d’hypnotique. D’une part par se format si particulier de lecture, d’autre part parce que les mots de Carole Fékété, ses photographies, les petites bande-son qui ponctuent l’ouvrage, embarquent le lecteur.
Peu à peu, page à page, jour après jour se dessine un fresque vaste : ici les étrangers sont bien accueillis, sauf peut-être quand il veut traverser une frontière. Ici l’humain prime avant tout et il y a de la magie dans l’air, dans le marc de café, dans mille détails que l’auteur nous livre avec une sensibilité inouïe.
Nous sommes loin des clichés de la photographie de voyage, nous sommes loin du beau pour faire beau, de l’incongruité voyeuriste.
En ces lieux tout paraît calme, paisible, possible.
Bien sûr, les humains étant ce qu’ils sont, il reste des plaies tragiques qui ne se referment pas, il reste de la colère et de la détestation.
Il reste ce que le passé offre de plus noir.
Mais, finalement, l’impression générale de Correspondance arménienne est celle d’un épanouissement salvateur, d’une liberté presque totale.
Il faut espérer que Carole Fékété va repartir ici ou là, et qu’un jour elle nous ramènera d’autres carnets d’autres pays.
Alors nous voyagerons, immobiles, avec elle, encore et encore.
 
 
 
9€

 

 

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Frédéric MARTIN
Frédéric MARTIN

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