Rustine – Simon Vansteenwinckel
Ca démarre comme ça, le moteur rugit, la gomme fume, ça pue le gasoil. Le soleil cogne sur les visages hilares des rednecks. Au loin on attend les cris des rapaces, une musique un peu rock, ZZ Top ou Lynyrd Skynyrd.
Ca commence comme ça Rustine du photographe Simon Vansteenwinckel paru chez IIKI.
Et ça continue comme un road-movie un peu sale sur les routes belges, françaises ou américaines.
©Simon Vansteenwinckel |
La testostérone gonfle les moteurs, les biceps et les fiertés.
On laisse alors les guns au vestiaire, le cimetière est plein et sur l’asphalte on relève les traces.
Il y a des Chevrolet, des Cadillac et des moissonneuses batteuses.
Il y a des Stars and Stripes, des cactus et des bières chaudes.
Il y a des muscles, de la solitude et des cirques paumés dans les déserts.
C’est du bruit, de la fureur, la fumée des burns épaisse et opaque.
Come on everybody…
©Simon Vansteenwinckel |
Comme à l’accoutumée Simon Vansteenwinckel, avec Rustine, nous amène dans des territoires à défricher. Avant c’était la Chine en plein COVID, les écarts belges de Platteland ; ici c’est presque un travail d’anthropologue dans des territoires à découvrir.
La mythologie nord-américaine a essaimé aux quatre coins du globe convertissant les peuples aux joies du fast-food, du Coca et des moteurs vrombissants échappés de La Fureur de Vivre.
James Dean et les indiens sont morts, il y a longtemps qu’on ne voit plus de bisons en Flandre ou dans le Hainaut, pourtant tous les codes pionniers sont présents et bien présents.
©Simon Vansteenwinckel |
Les chevaux sont devenus de métal, monstres rugissants aux fumées noires ; les derniers Sioux font les zouaves dans des cirques en déshérence ; on se tire la bourre le long de la grand route.
Les déserts qu’ils soient ruraux ou de sable sont ici. A chaque page les repères s’effacent peu à peu, et on en vient à parfois ne plus savoir de quel côté de l’Atlantique nous sommes.
Simon semble fasciné par cette culture, cette sorte d’Amérique/Europe des marges et il nous entraine avec lui dans celles-ci.
Rustine est, à première lecture, une vaste fresque des amusements étranges auxquels peuvent se livrer certains de nos semblables. Quoique l’étrangeté est principalement dans le regard de celui qui ne participe pas.
Mais, par la suite s’ouvrent des horizons nouveaux.
©Simon Vansteenwinckel |
On n’aime pas trop ces hippies, on préfère monter des chevaux dans les clameurs du rodéo. Est-ce si bizarre que ça ?
Non. Chacun sa joie, son plaisir. C’est ce que Simon Vansteenwinckel pourrait nous dire avec ce long voyage vers des contrées que nous ne soupçonnons pas.
Alors, le photographe se promène dans ces espaces, photographie comme on enquête, relève le détail, le plus petit élément d’incongruité.
Eveille la curiosité.
Ce n’est pas du documentaire, Simon n’est pas reporter de guerre. Ce n’est pas un témoignage. C’est simplement la curiosité d’un Homme pour ses semblables. Curiosité qui semble habiter le photographe dans toute son œuvre.
Au final, on irait bien faire un tour à ces fêtes, on aimerait comprendre ces types qui fracassent une voiture après l’avoir fait rouler et on aimerait voyager par delà les océans avec le photographe qui nous montrerait du doigt toutes ces choses.
Oui mais voilà : nous sommes chez nous, dehors il pleut et le rêve américain se noie dans une flaque.
Qu’importe ! On peut toujours lire ou relire Rustine, jouer les curieux et partir sur les routes voir de quoi se compose le monde.
Le livre est accompagné, comme à l’accoutumée, par de la musique. Cette fois-ci il s’agit des créations de Mathias VanEecloo et un cd orne la couverture.
50 € (avec le cd)