Mexico Mennonites – Franck Paubel
Cependant, cette communauté ne compte pas moins de 1 600 000 adultes à travers 52 pays du monde. Elle est donc très présente, principalement en Asie ou en Amérique du Sud.
Franck Paubel a choisi avec son ouvrage Mexico Mennonites, paru chez Arnaud Bizalion éditeur, de s’intéresser à une petite communauté nommée Salamanca installée à la frontière entre le Mexique et le Belize.
©Franck Paubel |
Les mennonites naissent avec la réforme aux alentours de 1500. La rupture de certains croyants avec l’Eglise Catholique Romaine, ce que nous nommerons par la suite protestantisme, prend des formes diverses et variées. Des luthériens, aux anabaptistes, il n’y a pas un protestantisme monolithique, qui serait le pendant du catholicisme romain, mais des courants divers, des schismes.
Les mennonites en sont un, qui choisissent dans le sillage de Menno Simons (1496-1561) la voie de la non-violence évangélique (en cela qu’elle respecte le premier des Dix Commandements et la parole du Christ) et une séparation entre Eglise et Etat.
Face aux violences exercées contre les protestants dans l’Europe du XVIème siècle, puis les entraves religieuses qu’elles soient liées à la Révolution française ou aux guerres intra-européennes, les mennonites choisissent d’émigrer vers le Nouveau Monde (principalement à la fin du XIXème et au début du XXème) où leur foi est plus libre. Ils se structurent en communautés qui hésitent entre un rigorisme strict ou une adaptation au monde. Ainsi des débats longs et complexes agitent le mouvement, notamment sur la nécessité de la non-violence en temps de guerre puisque les mennonites sont intégrés à la vie des pays où ils sont.
Celle qu’a choisi Franck Paubel reste très proche de la tradition, mais beaucoup de communautés, ailleurs, ont opté pour un mode de vie très moderne.
©Franck Paubel |
La vie à la Salamanca, telle que nous l’offre Mexico mennonites paraît figée dans le temps.
Des habits semblables pour tous : chemises à carreaux, salopettes pour les hommes, robes longues noires, strictes, à l’élégance surannée, parfois à motifs fleuris, pour les femmes.
Des tracteurs antédiluviens, des calèches, des chevaux.
Des familles nombreuses.
Le temps devient immobile, on ne sait si nous sommes en 2020 ou en 1900.
Mais parfois, la modernité surgit à travers un ballon de basket, un silo à grain, une coopérative aux paquets de chips, une tondeuse.
Contrastes saisissants entre les choix traditionnels et la nécessité de s’intégrer ou de s’imprégner du monde.
©Franck Paubel |
Ce qui frappe ensuite ce sont les portraits réalisés par Franck Paubel. Patiemment, peu à peu, il a su se faire sinon adopter au moins accepter par les membres de la congrégation.
Et il nous offre des portraits somptueux avec un je ne sais quoi qui rappelle Walker Evans.
Ici des enfants qui jouent, là un adolescent au regard fier, un homme la cinquantaine dont on sent le poids des responsabilités.
©Franck Paubel |
Mexico mennonites amène à une réflexion profonde sur le monde actuel et sur le devenir de l’humanité.
Ces gens qui parfois quittent volontairement une vie occidentale riche et consumériste ne sont-ils pas dans une forme de vérité ?
Il n’est pas nécessaire d’embrasser leur foi pour comprendre que notre monde d’hyper consommation, d’avidité et de guerres va plutôt mal. Or à la lecture de l’ouvrage on constate que les familles photographiées, qui pourtant sont relativement éloignées de nos modes de vie, n’ont l’air ni affamées, ni désespérées, ni à plaindre.
Bien sûr, la photographie peut quelque fois mentir un peu, mais il paraît assez peu probable qu’un ouvrage aussi complet occulte ce qu’il pourrait y avoir de tragique dans ce mode de vie.
Faut-il alors revenir à quelque chose de plus simple ? De plus sobre ?
Il n’y a pas de réponses toute faîtes, toutefois le livre de Franck Paubel éclaire de la plus belle manière qui soit la possibilité d’une « simplicité volontaire » pour reprendre les mots de Paul Ariès.
ISBN 978-2-36980-148-1
36€