Georgia – Ljubisa Danilovic
Après Le désert russe et La lune de Payne, Ljubisa Danilovic publie son troisième ouvrage, Georgia, aux éditions lamaindonne.
Mêlant textes et écrits, une nouveauté dans le travail de Ljubisa, Georgia interroge le sujet très actuel des migrations.
©Ljubisa Danilovic |
Il y a quinze ans, un peu par hasard, le photographe apprend, via Google, qu’un homonyme a quitté cent ans plus tôt le Monténégro pour aller, comme beaucoup d’européens en son temps, gagner sa vie aux États-Unis.
Cette histoire donne lieu à un questionnement récurent sur la migration ancienne et/ou actuelle, sur le statut de celle-ci, plus largement sur l’exil.
Et de ces interrogations naît un livre…
©Ljubisa Danilovic |
Butte, Montana.
Où vécu ce Ljubisa. Où il travailla. Où peut-être il acheva ses jours.
La neige.
La mine.
Les espoirs teintés de noir et blanc.
Puis des lettres, fictives, d’un homme qui traversa l’Europe, un océan et la moitié d’un pays.
Des lettres qui parlent d’amour, de peurs et d’espoirs.
Des lettres que Ljubisa Danilovic a écrit pour Ljubisa Danilovic.
Et viennent les migrants du XXIème siècle.
©Ljubisa Danilovic |
Ils sont là ceux qui dans le sillage de leurs ancêtres du XXème fuient leurs pays, la misère, la guerre.
Femmes, enfants, hommes.
Parfois accueillis, souvent maltraités, battus.
On les croise au détour des plages, quelques oiseaux s’envolent dans leur cou.
Des camps, des baraques insalubres
Visages mornes emplis de cet espoir que tout ira mieux sous les lumières de Paris, Londres ou Berlin.
Ils sont là ceux que nous ne voyons pas vraiment, plus vraiment.
©Ljubisa Danilovic |
Avec Georgia, Ljubisa Danilovic nous amène dans les pas des exilés qui n’ont plus rien et qui rêvent d’avoir juste un peu.
A chaque page, mais aussi grâce à ces lettres imaginaires, le photographe nous invite à nous interroger sur le statut de ces Hommes, sur leur place dans nos sociétés.
Rien de revendicatif, mais un regard neuf, sans concessions, empreint de poésie et de mélancolie. Mélancolie de celui qui doit tout abandonner et dont le retour au pays n’est qu’une chimère qui aide à survivre.
Poésie des montagnes qu’il faut franchir, poésie des mers qui deviennent des tombeaux.
©Ljubisa Danilovic |
Là où les politiques et les médias parlent sans cesse de « crise des migrants » agitant des chiffres, des lieux, brandissant des slogans, réclamant des décisions souvent brutales et iniques, là où les mêmes agitent le chiffon rouge de « l’invasion », Ljubisa se contente de nous donner à voir des Hommes et des Lieux.
Et force est de constater que ses images sont bien plus criantes de vérité que les vociférations de ceux qui prêchent la haine.
Parce que l’auteur à travers Georgia invoque la vie, la vraie.
Celle des camps, celle des murs, celle des braseros.
Celle des meurtres gratuits, celle de l’entraide.
Celle des lendemains d’espérance.
©Ljubisa Danilovic |
Georgia se présente comme une histoire des migrations. Et c’est de fait un livre d’une importance capitale pour comprendre, en partie, ce qui se joue dans ces histoires humaines.
Si jamais un livre ne sauvera le monde, certains peuvent, peut-être, changer les mentalités : Georgia est de ceux-là.