Toutes les heures blessent – Ben Capponi
©Ben Capponi |
Toutes les heures blessent.
La dernière tue.
Avec son livre au titre éponyme, paru aux Editions Emulsion, Ben Capponi nous offre un voyage dans les limbes du temps, de la mémoire et du souvenir.
Par la magie du tirage lith, les photographies semblent sortir tout droit d’époques anciennes, avant même que l’image photographique ne fût inventée. Comme si Ben, en passeur des âmes, nous offrait un voyage sur son Styx personnel.
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Ben Capponi photographie le monde qui l’entoure. Des non-sujets. Des non-lieux. Des non-instants. Et c’est par ces choix qu’il nous propose la réinvention des espaces parcourus, la relecture des moments que tous nous vécûmes peu ou prou et qui disparurent.
Une mobylette, comme celle que nous aurions pu chevaucher à 14, 15, 16 ans, en 1965, 1975 en 1985, dans des équipées aussi épiques que sauvages. Ou que nous pensions telles.
Un épouvantail issu d’un film de Tim Burton et les corbeaux qui n’en avaient cure.
Ces croix blanches sous lesquelles gisent des soldats venus d’ailleurs pour défendre la liberté. Souvenirs de collège, de dates apprises par cœur.
Souvenir de voyages scolaires.
Souvenirs.
Et la route immense bordée de platanes, le père avec sa Gauloise au bec qui tient sa moyenne, la caravane accrochée et le mois à la Grande-Motte, au Grau-du-roi ou ailleurs.
Toutes les heures blessent est un immense moment de mémoire.
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La photographie est-elle l’art de garder intacte une mémoire individuelle et collective ? Des instants définitivement dissous ?
On peut se poser la question. Comme, à la lecture de l’ouvrage, on peut s’interroger sur le rôle de transmission du photographe.
Pourquoi photographie-t-on ?
Et que peut-on laisser au public ?
Avec ce livre, Ben Capponi propose une lecture universelle de l’image. Chacun d’entre nous trouvera matière à repenser un lieu, un moment. Parce que les humains se rejoignent dans une Histoire collective, un passé commun.
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Nous sommes les héritiers de cet en-commun, et Ben Capponi touche au sensible collectif.
Les traces s’effacent, les heures blessent et à la fin nous mourrons avec la mort des souvenirs.
Tout s’use trop vite, peut-être, mais il restera toujours des traces que les archéologues de la mémoire sauront relire.
Ben Capponi est de ces lecteurs et dans l’intemporalité de ses photographies, par l’opiniâtreté de sa quête, il nous révèle notre finitude et la force des fragments mémoriels.
Demain ou plus tard, quand assoiffés de poésie nous aurons à cœur de retrouver le flux du Temps, nous irons relire Toutes les heures blessent.
Les manèges tourneront dans les nuits. Des flocons dansent dans le soir naissant et une fillette se balancera avec les lumières de l’été.
Quelques sandales, une poupée et la forêt.
Le photographe nous aura convié dans les flux de son âme, dans la beauté des souvenirs.
Et si le Terre cesse de tourner, nous valserons notre dernière heure avec lui.