Mommy – Lisa Gervassi
Pas d’enfants. Plus de parents.
Pas de carrière. Pas de doctorat.
Pas de doctorat. Pas de chocolat.
Des rêves ? Des regrets ? «
©Lisa Gervassi |
Mommy par Lisa Gervassi, autoédité, est un livre de quête, d’enquête. Un voyage en Soi, en la vie et ses détours parfois douloureux, souvent complexes, où chaque élément contribue à (re)construire une histoire personnelle protéiforme.
Juin 2009, le père de Lisa décède au Mexique où vivent ses parents. Novembre 2009 c’est au tour de sa mère. Dans cet intervalle très court, un monde s’écroule. D’autant que pour diverses raisons, la photographe ne peut se rendre au Mexique pour assister à l’incinération de la seconde.
S’en suit un processus de deuil inévitable, mais aussi de quête de Soi, de la double figure maternelle : celle de la défunte bien entendu et celle de l’auteure qui n’arrive pas à avoir d’enfant.
©Lisa Gervassi |
» Je trouve que c’est merveilleux les histoires, pas toi ? «
Un bracelet de naissance, un souvenir. Puis des oignons suturés de fils d’or. Il faut recoller les fragments, éviter l’éclatement, les visages aussi sont cousus. Les souvenirs s’effacent tellement vite. Il faut les reconstruire…
» Qui était ma mère ? » s’interroge Lisa Gervassi. Une femme très belle qui avait eu des rêves que la vie s’est chargée d’abattre, de laminer. Une inconnue qui refusait de parler de sexualité. Un présence s’en allant.
Enquête autour d’une figure disparue, on traverse des visages miroirs, presqu’effrayants. Les forêts sont des refuges peut-être, mais on s’y perd ; à l’ombre des taillis que reste-il des souvenirs ?
Le visage de la mère revient, l’enfant tient un œuf de Pâques. Joie, bonheur. Fragilité.
Il y a des pavés, des routes, une couverture de survie abandonnée.
Une Quête, encore et encore et encore.
Et la mer…
©Lisa Gervassi |
Conçu de manière très originale, puisqu’il mêle photographie, textes personnels, œuvres plastiques, broderies ; magnifiquement maquetté par David Fourré (éditions lamaindonne) et accompagné de poèmes de Thibault Marthouret, Mommy est un livre d’une force immense.
Le lecteur suit pas à pas la photographe dans cette recherche de Soi qui passe par la re-création d’un monde, d’un espace révolu et qui, n’appartenant plus qu’au souvenir, appartient au rêve, au mirage et au cauchemar.
Qui était ma mère… Peut-être que tout à chacun pourrait se poser cette question dès lors que ses parents vieillissent. Et que tout à chacun devrait trouver des réponses qui ne soient pas les évidences qu’il tient pour acquises.
Mais se pose aussi la question de la propre place de Lisa au sein de sa famille, de notre société. Elle est la fille d’une mère complexe, « compliquée », aux visages multiples. Cette place, il semble difficile de l’aborder, de la prendre, de l’intégrer.
Parallèlement, la place professionnelle, d’une part, avec des choix de vie à définir (vivre en France ou au Mexique par exemple) et la place sociale, puisque l’âge avançant et n’ayant pas encore d’enfants, Lisa ne rentre pas dans les « normes » de notre modèle, d’autre part, sont aussi des lieux à investir, à circonscrire.
Toute une recherche faîte de joies, de doutes, de peines.
Une vie en métaphore.
La maternité peut être un choix, une recherche ; son absence une souffrance. Et qu’est-ce qu’une mère? Qu’est-ce qu’être mère ?
©Lisa Gervassi |
Mommy est un souffle, une immense respiration.
Un voyage.
Une errance cathartique.
Il faut beaucoup de temps pour le lire correctement, beaucoup de temps pour l’appréhender et le faire sien.
A vouloir aller trop vite, on risque de briser la fragilité, le fil ténu qui nous relie à Lisa Gervassi. A vouloir aller trop vite, on risque de passer à côté de cet immense chant d’amour de Soi que cette Quête révèle.
Prenons donc le temps de marcher dans les pas de la photographe, de parcourir les méandres de ces mémoires oubliées.
Suivons là où son cœur et l’amour la portent.
Et quand enfin, elle s’assied dans un immense champ de pissenlits, asseyons-nous aussi et écoutons le bruit de la vie qui palpite maintenant en elle.