May You Stay – Élie Monferier
Dans la chanson Forever Young Dylan a cette phrase : « May you stay Forever young ». Je ne sais si Élie Monferier s’est inspiré de celle-ci pour son nouveau livre, mais il y a un écho certain entre les deux.
May you stay, publié aux Éditions Bessard, dans la collection L’Atelier Risographique, est un livre d’une complexité saisissante.
©Élie Monferier |
On se brûle aux néons des bars, dans les vapeurs des alcools, la sueur des insomnies.
On vit parce que nos jeunesses ne savent faire que ça.
Les assurances s’affichent sur les murs, seulement sur les murs. Il n’y a pas de filets, la chute à chaque pas menace. Qu’importe…
La vie n’est rien d’autre qu’une partie de billard qu’on joue sans fin, parce qu’on voudrait se croire immortels, indestructibles.
Eternellement jeunes dirait Bob.
©Élie Monferier |
On fonce, on s’enfonce, on traverse.
L’image est là comme un témoignage.
Mais, par divers procédés, Élie Monferier cherche, dans la photographie elle-même, la limite, toutes les limites.
L’image est gondolée, craquelée, abîmée, et par le choix supplémentaire de la risographie qui estompe peu à peu les gris, les moments perdent de leur immédiateté, de leur instantanéité, pour lentement devenir ce qu’ils ne cessent d’être dès lors qu’ils sont achevés : du passé.
©Élie Monferier |
De cette antinomie entre la bouillonnante jeunesse, celle qui semble ne pas connaître demain, et l’altération des images émerge une possibilité : Élie Monferier cherche, peut-être, à nous guider dans les pas de l’Ecclésiaste.
« Vanité des Vanités, tout est vanité. »
Demain, nous serons vieux, morts pour certains. Demain les nuits seront des tombeaux où nos insomnies deviendront des instants douloureux. Nous ne le voyons pas, nous l’ignorons.
Mais c’est là dans la dérive des corps, la fatigue, l’alcool et les drogues.
©Élie Monferier |
May you stay n’est pas un avertissement.
May you stay n’est pas un guide.
May you stay est un constat.
Un simple constat que la vie s’enfuit.
C’est ainsi, mais est-ce qu’il faut s’en lamenter ? Pas nécessairement.
On peut espérer comme le chante Dylan que nous resterons toujours jeunes.
Et même si ce ne sera sûrement pas le cas, il restera des moments, des joies, des sourires, des heures incertaines que le photographe a saisies.
©Élie Monferier |
Mais il y aura la décrépitude, des corps marqués, des images abîmées.
Rester jeune n’est-ce pas aussi un mythe que les communicants et autres publicitaires s’acharnent à nous vendre page de publicité après page de publicité ?
La mise en abyme de la jeunesse, de cette joie au regard de l’époque actuelle donne une forme de vertige des possibles.
Comme toujours Élie Monferier nous offre un travail d’une remarquable finesse où rien n’est affirmé, clamé.
A chacun de se faire sa propre lecture, de trouver au gré des pages des solutions, des interprétations, une possibilité.
Finalement, May you stay est peut-être un livre d’amour et de mort, un livre sur hier et demain.
Qui sait ?