Object amnesic : a compost manifesto – Henrik Strömberg Jens Soneryd
Vainqueur du Book Award 2020 de Blow Up Press, il tient tout à la fois de l’œuvre d’art, du manifeste politique, de la déconstruction des schémas de pensée mercantiles, du long voyage dans le magma du compost.
Magnifiquement (encore une fois) maquetté par Aneta Kowalczyk, cet ouvrage pose les bases d’un nouveau paradigme de lecture de nos espaces extérieurs et intérieurs.
©Henrik Strömberg |
« 1- La photographie est à l’opposé de comprendre.
2- La ligne droite apparaît comme la promesse d’une issue de secours. Elle ne l’est pas.
3- La compréhension se fait par les pores collants. »
Voici les trois premières propositions en exergue d’object amnesic : a compost manifesto. Suivent 6 autres, mais laissons au lecteur le plaisir de les découvrir.
Et cette base, manifeste pour réenchanter le monde, offre un projet au lecteur, à l’Homme.
Le monde est devenu une vaste marchandise, l’humain achète et vend, s’achète et se vend. La Nature devient un jardin trop cultivé, la rivière un barrage hydroélectrique machine à produire.
Tout est ordonné, structuré, achevé. Le mouvement est mort. La vie ne vit plus.
C’est ici qu’Henrik et Jens nous offrent une alternative. Une vision autre que cette globalité morose et glaçante. Il faut creuser, fouiller le compost, ses strates, sa chaleur, son bouillonnement.
Pour redonner au monde sa valeur de monde, pour permettre à l’Homme de perdre sa valeur marchande au profit de son humanité.
Dès la première couche le lecteur doit « lâcher » ses certitudes. Ne pas comprendre est ne pas comprendre. Peu importe. « Photography is the opposite of understanding » a écrit Susan Sontag. Et les images offrent des abstractions proches de Mondrian, Malevitch.
Et ? » Qui nous sommes : nous sommes des êtres verticaux et la gravité nous rend malades. » Jens Soneryd résume ainsi la condition qui nous attache à vouloir donner un sens à tout, à oublier que le compost et l’amnésie se nourrissent de l’ignorance, de la diversité, de la curiosité.
©Henrik Strömberg |
Il faut laisser les choses sombrer, couler, et nous devons apprendre.
Des coquillages, des champignons, assiette, bois et quoi ?
Des plantes, des papiers pliés une ombre dessus, champignons encore, lumière solarisée, feuille, feuille, et des tâches de lumière, de lumière.
Les couches, strates, dépôts du compost sont autant de lieux, moments, choses, objets, personnes à visiter, à réhumaniser, à poétiser.
Parce que nous avons perdu de vue, complétement perdu de vue, en ce XXIème siècle ultralibéral, que vivre n’est pas acheter, consommer.
Le compost est un chaos primordial, celui par lequel naîtra éventuellement une étoile dansante si l’on suit Nietzsche.
©Henrik Strömberg |
Object amnesic : a compost manifesto propose une autre façon de lire le monde. Le compost est un sol fertile sur lequel nous pouvons semer les germes d’un autre univers, d’autres choix de vie, de rapports à l’Autre, à la Vie, à la Nature..
Il faut apprendre à désapprendre, comprendre que nous ne comprenons rien et que ça n’a strictement aucune espèce d’importance.
Une fois ceci acquis alors, peut-être, nous pourrons commencer à lire ce livre étrange et surprenant.
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