To Dance with the Devil – Mickaël Vis
Construire, reconstruire une vie, le portait d’un être aimé. Chercher le sens dans ce qui n’en a pas. Normaliser une marge établie. Voilà ce que pourrait proposer To Dance with the Devil par Mickaël Vis, paru chez Rue du Bouquet.
©Mickaël Vis |
Catherine
Sébastien
Mohamed
Georges
Michaël
La drogue
Le VIH
La famille ?
Catherine a eu deux enfants.
Sébastien d’un premier mariage avec Mohamed.
Mickaël avec Georges.
Qui est aussi le grand-père du garçon, le père de Catherine.
C’est ainsi, ils s’aimaient. Ils ont conçu.
La société s’invente des normes pour se protéger.
Certains cherchent à vivre dans ses marges pour exister.
©Mickaël Vis |
Et des marges il y en a tant dans cette histoire, dans ce livre : la drogue, les foyers et le VIH. La mort du père, de la mère, un trou dans le cœur. La violence et l’errance. L’instabilité, sans cesse l’instabilité.
Reste un sac bariolé plein de photographies.
Reste quelques papiers : test de dépistage, carte postale.
Reste des souvenirs à ordonner pour normaliser la marge.
To Dance with the Devil est un livre coup de poing, un livre violent et cathartique, peut-être.
©Mickaël Vis |
Catherine sous les tropiques sourit sur une plage de cocotiers.
C’est Noël, un anniversaire, une fête des mères et Moulinex semble combler la femme. Cliché. Banalité.
L’avion, le Maroc, noir et blanc, couleurs passées jaunies. Les enfants, Sébastien, Mickaël et la kermesse de l’école. La joie, le sourire.
Sébastien au sang bouillant dira : » Maman était une droguée et une pute. »
On est sur les genoux de Claude un ami de la famille, Catherine rit, Catherine est heureuse sûrement.
C’est la vie de Monsieur Tout Le Monde, une famille de province banale et sans relief. Même on entend un peu l’ennui du dimanche après le poulet.
©Mickaël Vis |
Mais en filigrane les mots de Mickaël.
« J’ai découvert par la suite que je ne faisais partie d’aucun schéma. » « Bâtard dans le sens le plus littéral du terme. » « Comprendre qu’il n’y a rien à comprendre. » « J’avais subitement perdu ma normalité. »
Finalement reste cette interrogation : peut-on donner du sens avec une poignée de photographies de famille à ce qui n’en a strictement aucun ? Peut-on organiser ce qui est régit par le chaos ?
Ce livre magnifiquement maquetté offre une réponse possible : peut-être.
Peut-être les séries chronologiques de souvenirs, loin de tout pathos, recréent une norme, celle de Mickaël Vis. Celle, surtout, qu’il aurait pu imaginer.
Peut-être les photographies de famille ont cette fonction, loin de l’aspect mémoriel initial : donner une structure à ce qui n’est pas structuré.
Peut-être l’évocation de l’intime permettra de comprendre ce qui est incompréhensible.
To Dance with the Devil est un livre puissant, remarquable. Parce qu’il nous invite à reconsidérer nos normes et à comprendre que l’écriture de Soi passe aussi par la confrontation/relation à l’Autre.
Le courage de Mickaël Vis laisse pantois après la lecture de ses souvenirs, de ses images, de ses mots.
Finalement, il était nécessaire de publier ce travail, ne serait-ce que parce que, comme le dit Rémi Coignet dans un texte accompagnateur : « C’est trop gros pour ne pas être vrai. »