Wuhan radiography – Simon Vansteenwinckel
Les bizarreries de l’histoire font que certaines villes deviennent des superstars, alors même que rien ne les prédestinait à. Marignan, Verdun, Dresde, Azincourt, Arcole
Wuhan.
Qui devient subitement l’épicentre télévisuel en cette fin de 2019. Des hôpitaux y surgissent aussi vite que le virus se répand sur Terre. Le gouvernement chinois confine. Le monde devient un mouroir, brûlant de fièvre. On ne sait rien, alors, rien.
Wuhan Radiography, par Simon Vansteenwinckel, paru aux éditions Light Motiv relève de la dystopie, de la revisite d’un monde qui n’existe déjà plus.
©Simon Vansteenwinckel |
Simon Vanstennwinckel, cloîtré chez lui en Belgique, comme tout à chacun durant la première vague, se demande alors comment voyager, comment découvrir le monde. Les avions ne volent plus, les trains sont à l’arrêt, l’immobilité forcée pousse la créativité.
Il décide de partir en voyage là où tout a débuté. A Wuhan. En photographiant les écrans de son ordinateur. Google Street View, cet œil éternellement ouvert devient un guide touristique, une agence, un véhicule.
Tout est ici, à portée de main.
©Simon Vansteenwinckel |
Un homme seul au bord d’un fleuve sous un soleil d’apocalypse.
Un homme seul dans un parc dans une lumière nucléaire.
Une femme au visage arraché dans une superposition de film gore.
Plus rien ne va.
Le dernier voyageur sur Terre saisit un monde en ruine.
Wuhan devient un fléau, un fragment.
Des arbres tordus par le souffle.
Les soldats de bronze ne se battent plus, ils surveillent une population à l’agonie. Ils guettent.
Eux savent, peut-être.
©Simon Vansteenwinckel |
En parcourant les rues, dans Wuhan Radiography, nous sommes saisis d’interrogations.
Qui sont-ils ces hommes et femmes ? Nos frères et sœurs humains vivant si loin, subissant pourtant la même pandémie.
Qui sont-ils ces Hommes apparemment libres ?
Que deviennent-ils ? Morts ? Vivants ?
Et cette ville est-elle tout à fait la même, tout à fait une autre ?
Où sont les Replicants covidés ?
©Simon Vansteenwinckel |
L’astre seul le sait. Lui sera là bien après que les vestiges de la cité seront retournés à la poussière, bien après que le dernier humain ait disparu.
Il y a une odeur de fin dans cet ouvrage. Comme un choix délibéré d’aller chercher ce qui reste avant qu’il n’y ait rien.
A l’époque du Grand Tout Virtuel, quand nous sommes prisonniers de nos maisons, de nos appartements, rencontrer nos semblables, même à travers un écran devient un acte, un geste de grande beauté, de grand amour.
Derrière la peur, derrière l’ennui, les joies et la beauté ne sont pas toutes effacées.
Un parc et une femme sur un banc.
Un homme doucement endormi.
Un selfie.
©Simon Vansteenwinckel |
Mars 2022. Finalement, nous pouvons à nouveau voyager. La Terre n’a pas cessé de tourner. Mais les traces de l’Apocalypse sont toutes là : quelques masques oubliés dans une poche ; des autocollants invitant à garder ses distances ; des boîtes de vaccins.
Et un livre, Wuhan Radiography, mémoire d’un temps que personne ne devra oublier.
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La série est actuellement visible à Roubaix à La Maison Demeure (jusqu’au 20/06). Elle sera aussi visible à partir du 04/06 au musée de la photographie de Charleroi.