Certaines spiritualités proposent de vivre l’instant, de s’y arrêter et de s’en nourrir.
Parce que chaque instant, dans son instantanéité, n’existe qu’une fois, ne peut être vécu qu’une fois.
En regardant le petit livre de Sarah Khodri, Éphémère, paru aux éditions Douro, nous pourrions relier ces propositions d’élévation de l’âme au travail de l’auteure.
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©Sarah Khodri |
Mars 2020. A l’instar des autres habitants de France, Sarah Khodri se retrouve confinée.
Elle vit cette réclusion en dehors de son logement parisien, ayant décidé de se confiner dans sa famille.
Le livre ouvre sur quelques images de bâtiments, en couleurs. Le ciel est bleu. Il fait beau.
Pourtant une menace sourde pèse sur le monde.
Sarah part en province.
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©Sarah Khodri |
Et peu à peu, comme tout à chacun, Sarah s’interroge sur la façon d’occuper ces longues heures vagues, sans buts. Journées toujours identiques.
Elle met au point une forme de protocole qui, par sa contrainte, permet de nourrir le besoin de création.
Chaque jour une image.
Chaque jour un dessin.
Chaque jour un texte.
Elle va traquer la lumière qui révèle totalement et de manière inattendue l’espace vécu. Ces endroits « infra-ordinaires » pour reprendre les mots de Georges Perec, deviennent alors autre chose mais de manière volatile, temporaire.
Et de ses images, de ses mots, Sarah Khodri fera un ensemble concret et cohérent où se mêlent délicate poésie et instants inouïs.
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©Sarah Khodri |
Une faïence de baignoire.
Un tissu ondulé.
Les ombres de persiennes.
Des carreaux muraux.
Courbes, volutes, diagonales…
Le monde est révélé par les rayons, par l’appareil. Parce qu’il s’agit bien d’une révélation au double sens photographique et humain.
L’image est captée et offerte.
L’instant ne disparait plus, puisqu’il n’est plus dans le secret de sa disparition.
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©Sarah Khodri |
Dans Éphémère, Sarah Khodri propose des textes en écho aux photographies. Elle laisse son imagination, sa mémoire, son ressenti parler de ce qu’elle voit, vit.
Une tasse rappellera les vacances d’enfance en Algérie.
Une clé ce désir de fuite qui nous habita en ces heures pesantes.
Un tissu qui ne peut exister que sous la forme dans laquelle il s’est incarné.
A la frontière entre la réflexion sur soi, l’évasion poétique, la réflexion sur la lumière, l’objet, ces textes proposent une lecture intime, personnelle de l’espace vécu. Mais, au-delà, en filigrane, ils invitent à s’interroger sur l’Instant et sa finitude, sur notre rapport aux espaces vécus et bien souvent ignorés.
Éphémère est un livre délicat, de moments fragiles, tout comme les papillons que son nom évoque. La douceur de cet ouvrage permettra de prendre le recul nécessaire sur cet événement si particulier de nos vies récentes.
Site des éditions Douro
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