L’ œil double – Hervé Baudat
Parfois, dans une existence d’Homme, on prend le soin de laisser une trace. Certains plantent un arbre, d’autres construisent des maisons.
Hervé Baudat, lui, nous laisse des livres.
Avec L’œil double, paru chez Bergger, qui fait suite à Tout doit disparaître (même éditeur), le photographe nous propose de passer une année en sa compagnie et celle de son Rollei FW.
©Hervé Baudat |
Novembre 2017 – Novembre 2018. Des photos noir et blanc. Des lieux. Des visages. Des femmes.
Accompagner Hervé c’est prendre le temps de prendre le temps. Surtout pas de ligne directrice trop forte, trop marquée, dans ce livre qui se déguste comme un vieil armagnac le soir pendant que la cheminée ronfle.
Non.
On passe de regards farouches et fiers en flippers punks.
D’oseraies à une tête de cerf.
De dos, de seins nus à des visages fatigués dans des bars où la nuit saisit les corps.
Puis il y a les vieilles âmes, des vieilles dames dignes qui livrent toute leur l’humanité dans leurs yeux un peu fous, dernier rempart avant la fin.
©Hervé Baudat |
Humain, très humain, bien plus que trop, c’est ce que le travail d’Hervé offre à voir. Accompagnées de petits textes, presque des aphorismes, les photographies nous emportent dans des univers où l’altérité fait loi.
Il faut l’imaginer, mais aussi ses amies, sa famille, ses lieux entre Corse et Venise, accompagné de son boîtier comme d’un talisman mémoriel.
Il faut coller à ses pas, trinquer avec ses camarades, tendre du feu pour la dernière cigarette, celle que l’on fini par écraser quand la nuit s’échappe. Trop tôt, bien trop tôt.
Il faut, enfin, passer des heures en la compagnie de ses aïeules chéries.
Puis, prendre encore une fois le Rollei parce que dehors un cheval blanc nous attend dans le brouillard, la pluie mouille les terrasses des cafés.
La vie est là, ici
©Hervé Baudat |
Humaniste Hervé Baudat ?
Le double œil est une proposition en ce sens. Un livre qui donne envie de se relier à ses contemporains, de croire au possible de l’humanité.
Même si ses textes teintés de mélancolie lumineuse et de douce ironie laissent penser que l’homme a aussi sa part de distance critique.
Cette oscillation entre écrit et photographie est une des grandes forces, une autre, de ce livre merveilleux.
©Hervé Baudat |
Une fois ce temps passé en si bonne compagnie, on ne peut que reprendre la lecture de Tout doit disparaitre, espérer une publication prochaine, suivre le photographe sur les réseaux sociaux.
Mais surtout, on peut continuer à croire en l’amour et l’amitié, la joie de la Nature retrouvée, et regarder les volutes de la cigarette s’élever lentement vers les yeux de la femme qu’on aime.