On the night that we leave – Alisa Resnik
On the night that we leave d’Alisa Resnik, paru chez Lamaindonne, s’aborde comme on cherche la lumière dans le noir : en tâtonnant, pas à pas.
Comme si tout se tenait là, devant nous, dans l’opaque du matin venant, dans les corps abandonnés, les lueurs des lampadaires.
©Alisa Resnik |
Pour la photographe russe la nuit est un sujet en soi. Nuits érodées par la fatigue, nuits fragiles et fugaces, nuits où tout un chacun devient un rôle étrange.
On marche, dans les nuits d’Alisa. On marche de banlieues en cœurs de villes. On marche hâtivement, furtivement.
Errance ou déambulation ?
Rencontres ou séparations ?
On marche le long d’immenses murs de béton. Forêts à l’orée desquelles gisent les vastes bâtiments. La ville n’est plus un refuge. Et l’on va quitter la nuit.
Ou l’on voudrait la quitter.
Enfin.
Mais sa poésie nous agrippe, nous aveugle plus encore que les ampoules nues au-dessus de lits trop vides.
Et au loin, Kurt Cobain murmure : « Something in the way, something in the way. »
©Alisa Resnik |
Un cheval, un chat noir, une colombe, des enfants. Tous les ingrédients de contes de fée réunis.
Mais s’éloigne la magie lorsque les corps alourdis s’affaissent sur une table, un escalier.
La fête est finie, le jour va se lever.
Que nous restera-t-il ? Des souvenirs ? Des images délavées ?
Un livre ?
La nuit devient ici personne à part entière, héroïne de ces histoires qu’elle couvre pudiquement.
A chaque page surgit la poésie de l’inattendu : un bouquet fané, une glissade sur des pentes enneigées.
A chaque page tombent nos repères.
Qui en aurait encore besoin serait bien malheureux.
©Alisa Resnik |
Avec On the night that we leave il faut s’abandonner à vivre ou essayer.
Passer par toutes les émotions qui font notre humaine et mortelle condition.
Mais surtout, il importe d’oublier ses peurs.
©Alisa Resnik |
Nos voisins sont nos amis, nos ennemis, minuscules diablotins que l’on chéri ou que l’on craint. Les rails mènent vers la vieille usine, la neige est noire. Qu’importe, on rallume une clope, pour se donner une contenance, se frotter à la peau des autres. On boit un verre de plus, un de trop.
C’est sans importance, la nuit oublie.
Demain sera une autre. Parce qu’il n’y en a pas une seule qui durerait toute une vie. Myriades. Chaque soir recommencer, repartir.
Fuir ou rester ?
Restons, parce qu’Alisa Resnik nous conduira, une fois encore, dans ces nuits qu’il est bien difficile d’abandonner.
Site d’ Alisa Resnik
Site des éditions Lamaindonne