Glitter Blues – Lorenzo Castore
Glitter Blues par Lorenzo Castore, paru chez BLOW UP PRESS, apparaît comme un reportage exalté, intime et poignant dans la Catane des travestis.
©Lorenzo Castore |
Elles sont là ces femmes rencontrées par le plus grand des hasards en 2004. Là, c’est le quartier de San Berillo.
Elles, se sont Franchina, Cioccolatina, Lulù et d’autres encore.
Travesties. Prostituées. Humaines, aimantes et amies surtout.
Ce qui, au départ, n’était qu’une succession de rencontres « amicales, intermittentes superficielles et légères », pour reprendre les mots du photographe, est devenu, alors que celui-ci développait un projet plus vaste autour du festival de Saint Agata, l’objet d’un travail concret.
Parce qu’il y a chez ces hommes qui se sont toujours sentis femmes quelque chose de marial, une sainteté, une féminité que la naissance leur a refusée.
Parce que Lorenzo a été touché par leur volonté de s’affranchir des diktats sociétaux.
Parce qu’il se retrouve dans l’amour de la liberté de ces femmes.
©Lorenzo Castore |
Alors, le lecteur suit le photographe dans le quartier, les chambres sobrement meublées. Il fume la nuit observant l’une d’elle attendant un client éventuel.
Deux chats se croisent, on s’appelle ou l’on patiente, le regard halluciné, sous un portrait du Christ.
C’est une lutte de tous les instants, c’est être, essayer d’être, Soi, se battre contre les regards, les critiques, les jugements.
©Lorenzo Castore |
Au gré de doubles pages se déployant – une fois encore la mise en page d’Aneta Kowalczyk est sublime – on découvre l’une ou l’autre de celles qui deviennent les amies du photographe.
Le regard charbonneux, on se dénude un peu, on ose offrir l’espace intime du dedans, des traces d’une vie simple et fragile.
Dehors, c’est la rue, on écrit merde à la mafia sur les murs, on pose avec une amie, une mère et surtout on espère.
Tout le temps.
©Lorenzo Castore |
Poignant, c’est l’adjectif qu’il faut retenir à la lecture de Glitter Blues. Parce que Lorenzo Castore en s’emparant de l’intime de ces femmes va bien plus loin que le simple reportage complaisant.
Il y a de l’amour dans ses photos. Quelque chose de terriblement humain et d’intensément respectueux. Peut-être est-ce parce qu’il a su se faire accepter ?
Peut-être parce que ses photographies ne cherchent pas l’esbrouffe, le grandiloquent ?
Très certainement aussi parce que les artifices n’ont ici pas leur place.
Il fallait dire les choses comme elles sont, dévoiler avec pudeur ces corps aux forces fragiles.
Nécessité impérieuse, aussi, d’évoquer les ombres du jour sur le quartier un peu délabré pour témoigner de l’ennui, de la fragilité du quotidien.
Et enfin, donner à ces femmes qui l’ont accueilli la place immense qu’elles méritent.
©Lorenzo Castore |
Glitter Blues se lit d’un trait, dans le long souffle du volcan, dans le bruissement des tissus froissés. Et quand la nuit s’étire, on rallume une cigarette, on serre un peu sa veste et on demande au photographe s’il veut bien nous photographier.
Parce que demain le quartier aura disparu.
Et nous avec.
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