Arménie, année zéro – Patrick Rollier
Arménie, année zéro par Patrick Rollier aux Editions d’Une Rive à l’Autre est un lent et délicat détour dans un pays marqué par les crises.
Un dimanche, un repas, des amis. Patrick Rollier rencontre des arméniens. Choc. Il décide à cet instant de réaliser un travail photographique sur ce pays si lointain et si proche dont il ne sait rien. De ce choix vont découler plusieurs voyages entre 2015 et 2018, pratiquement six mois sur place au total, durant lesquels le photographe saisi la vie, mais aussi les mots/ les maux des habitants.
©Patrick Rollier |
Parce que c’est cette Arménie que convoque Patrick Rollier: celle qui a subi un tremblement de terre dévastateur en 1988, celle qui a connu la fin de son allégeance à l’URSS et enfin celle de la guerre contre l’Azerbaïdjan voisin à propos du Haut-Karabagh. (guerre qui a flambé à nouveau il y a peu).
Les photographies couleur, à la fois sensibles et pudiques, sont un parcours dans le quotidien des gens, des paysages vertigineux, des villes marquées. Toutefois, nous ne sommes pas dans la sociologie ou le simple documentaire. Nous assistons plutôt à un voyage humain, à la rencontre de l’Autre et de ses souvenirs.
De ses souffrances.
De ses espoirs.
De sa Vie.
©Patrick Rollier |
Sas à pas, au gré des pages, naissent sous nos yeux ces bâtiments éventrés que la guerre ou le tremblement de terre ont dévastés.
Des vestiges de cette Union Soviétique paradoxale qui fournissait du travail, de la nourriture et du confort, mais qu’il fallait subir, patrie-mère tyrannique, ubuesque.
Des images d’avant, de mariages heureux, d’enfants marins.
Et le quotidien rude, la terre à cultiver, les moutons à tondre parce qu’il ne reste plus que ça pour nourrir les enfants.
Des visages rudes, sincères, sans amertume, sans espoirs.
©Patrick Rollier |
Le travail de Patrick Rollier est remarquable d’humanité. Au long des pages, il nous donne à voir ce pays, ces gens, sans jamais tomber dans le piège d’un voyeurisme touristique ou du documentaire sec ou complaisant.
A cela ajoutons des propos recueillis auprès des habitants, ces gens qui à quarante ans sont les tenants de la nouvelle Arménie, celle de demain, de la joie peut-être retrouvée et il y a ici un livre d’une densité et d’une sincérité exceptionnelles.
Par ailleurs, la mise en page qui fait le choix de dissocier texte et photographie permet au lecteur d’aller de l’un à l’autre sans contrainte et de s’imprégner de la lenteur et de la beauté des lieux. De la rigueur des mots.
A la toute fin, il reste la sensation que l’avenir est à conquérir, les lendemains seront porteurs d’espérances.
Un regard d’enfant fier et doux.
Et ces mots d’Arousyak: « L’éducation a une place égale au pain! »